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tion est seulement de savoir si, dans toutes ces discussions, le ministère de M. Gladstone ne finira pas par s’épuiser en se divisant, s’il ne rencontrera pas un jour ou l’autre un échec dans quelque échauffourée de scrutin, qui ne créera pas une majorité nouvelle, mais qui pourrait conduire à de nouvelles combinaisons de partis. Ce ne serait pas la première fois que l’Irlande aurait été fatale à des ministères libéraux ou conservateurs.

La session parlementaire s’est aussi récemment ouverte en Espagne avec un certain éclat. Le roi Alphonse a présidé à cette inauguration des chambres de Madrid, accompagné de la jeune reine Christine, et dans le discours qu’il a prononcé, il a pu constater avec bonne grâce que, depuis six ans, c’est-à-dire depuis la restauration, la paix intérieure n’a pas été sérieusement troublée au-delà des Pyrénées. Il s’est fait un plaisir de prendre acte de « ce bonheur, rare en ce siècle, de ne voir aucune insurrection sur le territoire espagnol. » Ce n’est point sans doute que cette paix soit toujours sans nuages, qu’il n’y ait encore beaucoup à faire pour la prospérité de la péninsule, pour le développement de ses institutions et de ses intérêts, pour ses finances. La paix intérieure est dans tous les cas la première condition des vrais progrès, et l’habile conseiller du roi Alphonse, M. Canovas del Castillo, a certainement sa part dans une situation où toutes les améliorations sont possibles à l’abri de l’ordre. Le chef du cabinet de Madrid, M. Canovas del Castillo, n’est point assurément sans avoir des adversaires éloquens, passionnés, qu’il va rencontrer une fois de plus dans le parlement. Il a contre lui une opposition assez vive, des chefs militaires ou des orateurs, comme le général Martinez Campos, M. Sagasta. La politique tout entière de l’Espagne va être l’objet de débats probablement animés qui, dès le début, ont été signalés par un incident fait pour avoir un écho de ce côté des Pyrénées. Depuis quelque temps, on ne sait pourquoi, le bruit s’était répandu que le cabinet, dans un intérêt conservateur, par crainte de la révolution, cherchait à nouer des alliances avec les cours du Nord, qu’il se laissait aller à des sentimens d’hostilité contre la France, et un député de l’opposition, M. Léon y Castillo, a porté ces bruits à la tribune des cortès. M. Canovas del Castillo s’est hâté de protester avec une chaleureuse énergie, en déclarant que toutes ces alliances dont on parlait étaient une pure chimère, que jamais les relations entre l’Espagne et la république française n’avaient été plus cordialement amicales. Les déclarations du président du conseil du roi Alphonse répondaient à un sentiment universel, et elles étaient évidemment sincères, puisque entre la France et l’Espagne, quelles que soient les formes de leurs gouvernemens, il n’y a que des intérêts communs, des raisons de paix et d’amitié.

Ch. de Mazade.
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