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La victoire de l’épiscopat fut, dans cette circonstance, la victoire de l’indulgence et de l’humanité. Avec un rare bon sens, l’église générale regarda les abstinences exagérées comme une sorte d’anathème partiel jeté sur la création et comme une injure à l’œuvre de Dieu. La question de l’admission des femmes aux fonctions ecclésiastiques et à l’administration des sacremens, question que certains précédens de l’histoire apostolique laissaient indécise, fut tranchée sans retour. La hardie prétention des sectaires de Phrygie à insérer des prophéties nouvelles au Canon biblique amena l’église à déclarer, plus nettement qu’elle ne l’avait encore fait, la nouvelle Bible close sans retour. Enfin la recherche téméraire du martyre devint une sorte de délit, et à côté de la légende qui exaltait le vrai martyr, il y eut la légende destinée à montrer ce qu’a de coupable la présomption qui va au-devant des supplices et enfreint sans y être forcée les lois du pays.

Le troupeau des fidèles, nécessairement de vertu moyenne, suivit les pasteurs. La médiocrité fonda l’autorité. Le catholicisme commence. À lui l’avenir. Le principe d’une sorte de yoguisme chrétien est étoufïé pour un temps. Ce fut ici la première victoire de l’épiscopat, et la plus importante peut-être ; car elle fut remportée sur une sincère piété. Les extases, la prophétie, la glossolalie avaient pour eux les textes et l’histoire. Mais ils étaient devenus un danger ; l’épiscopat y mit bon ordre ; il supprima toutes ces manifestations de la foi individuelle. Que nous sommes loin des xemps si fort admirés par l’auteur des Actes des apôtres ! Il y avait déjà au sein du christianisme ce parti du bon sens moyen, qui l’a toujours emporté dans les luttes de l’histoire de l’église. L’autorité hiérarchique, à son début, fut assez forte pour dompter l’enthousiasme des indisciplinés, mettre le laïque en tutelle, faire triompher ce principe que les évêques seuls s’occupent de théologie et sont juges des révélations. C’était bien, en effet, la mort du christianisme que ces bons fous de Phrygie préparaient. Si l’inspiration individuelle, la doctrine de la révélation et du changement en permanence l’eut emporté, le christianisme allait périr dans des petits conventicules d’épileptiques. Ces puériles macérations, qui ne pouvaient convenir au vaste monde, eussent arrêté la propagande. Tous les fidèles ayant le même droit au sacerdoce, aux dons spirituels, et pouvant administrer les sacremens, on fût tombé dans une complète anarchie. Le charisme allait anéantir le sacrement ; le sacrement l’emporta, et la pierre fondamentale du catholicisme fut irrévocablement établie.

En définitive, le triomphe de la hiérarchie ecclésiastique fut complet. Sous Calliste (217-222), les maximes modérées prévalurent