Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ou bien ?…

Elle leva la main.

Il ne broncha pas, et répéta crânement :

— Ou bien je m’en vais.

Ah mais ! c’est qu’il l’aurait fait comme il le disait. C’était clair maintenant. L’ange se révoltait à la fin. Et Dieu sait les cataclysmes qui arrivent quand les anges se révoltent !

Madeleine s’apaisa comme par miracle, toute froide à cette pensée que le petit s’en irait. Cependant elle ne rendit pas l’épingle, mais elle la jeta à travers la chambre. Le bijou roula comme un petit fou avec un son clair, comme s’il se plaignait d’être ainsi maltraité. Angelo courut après, le ramassa, l’essuya, le frotta avec un pan de sa veste ; puis il s’en vint effrontément piquer l’épingle sur une pelote que Madeleine avait confectionnée de ses propres mains.

C’était le comble de l’audace.

Pourtant Angelo était très rouge. Il sentait bien qu’il venait de faire une chose inouïe et il s’attendait à quelque épouvantable châtiment. Il tourna son œil inquiet sur la gouvernante. Celle-ci devina ce commencement de contrition :

— Misérable ! dit-elle du ton le plus creux qu’elle put trouver.

Puis elle tira son mouchoir et se moucha d’une façon terrible en criant qu’elle était bien malheureuse.

— Mais, ma tante, murmura Angelo attendri, de quoi vous plaignez-vous ? Je fais tout ce que vous voulez…

Elle saisit la balle au bond.

— C’est ce que nous allons voir. Angelo…

Elle fut obligée de tousser : elle étranglait.

— Angelo, tu as vingt-trois ans, et je comprends,… c’est-à-dire je ne comprends pas… Mais enfin, vois-tu, mon enfant, il faut être honnête. Dans la vie, il n’y a que cela de bon. Si tu tournais mal, j’en mourrais. Cela devient un crime quelquefois de courir les filles. Si tu savais !… Tu veux une femme ? Eh bien ! il faut en prendre une, voilà tout. Angelo, tu vas te marier.

— Moi ! s’écria le jeune homme, tout étourdi, comme s’il venait de recevoir un mauvais coup.

Et il devint pâle, pâle.

— N’aie pas peur, mon petiot, j’ai bien choisi, va. Tante Madeleine a l’œil fin. Elle sait ce qu’il faut à un petit mignon d’enfant gâté comme toi. C’est une belle demoiselle qui n’a pas le sou, parce que, autrement, elle n’aurait pas voulu d’un pauvre petit diable d’imprimeur. Et j’espère bien que celle-ci ne dira pas non. D’ailleurs, nous avons des économies, par là, de quoi vous faire un joli ménage ! Tu verras comme ce sera gentil. Eh bien ! qu’est-ce que tu as ? Est-ce