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Thilda, toute frissonnante, venait de cacher son visage dans ses mains. Madeleine la regardait ébahie. Elle ne comprenait pas, mais elle crut comprendre.

— C’est-à-dire que vous aimez l’enfant ; — il est assez beau pour cela, du reste, — mais vous ne pouvez pas l’épouser à cause de sa naissance. Vous êtes de bonne famille, vous, et dame ! cela se comprend…

— Vous vous trompez, répondit doucement Thilda avec un regard timide de ses grands yeux noirs, je serais trop heureuse d’épouser Angelo.

— Mais vous l’avez refusé !

Mme Morimbeau ne m’avait pas dit son nom.

— Comment ! vrai ? s’écria Madeleine. Alors vous accepteriez ce pauvre petit, tel quel, sans famille, sans fortune ?…

— Nous travaillerions et nous serions heureux, murmura la jeune fille.

Madeleine avait les expansions brusques. Son cœur, gonflé, se détendit dans un cri de tendresse :

— Ah ! que je vous aime ! dit-elle, puisque vous aimez mon Angelo !

Et elle tira contre elle la pauvre fille tout éperdue de joie à cette caresse de mère :

— Eh bien ! vous avez de la chance, ma petite, reprit tout à coup la gouvernante, les yeux brillans de plaisir, et vous n’avez pas fait un mauvais rêve ? Apprenez, mademoiselle, qu’Angelo est le fils unique et… légitime de maître Barbarin et son successeur immédiat à l’imprimerie !

Et Madeleine se redressa triomphante, attendant l’effet magique de ses paroles.

Thilda, très sérieuse, répondit :

— Tant mieux… pour Angelo ! Mais puisqu’il est riche, maintenant, vous ne pouvez songer à lui faire épouser une femme sans fortune, car je n’ai rien, moi, madame.

— Taisez-vous donc ! grommela Madeleine, bourrelée d’émotion. Vous êtes bonne vous êtes belle ; ne dites pas que vous n’avez rien. Je vous trouve riche, moi, c’est pour cela que je vous donne à mon fils…

Madeleine fit un mouvement brusque en lâchant ce mot qui échappait, à son cœur et une confusion soudaine l’empourpra. Mais Thilda s’était jetée sur elle :

— Mère ! dit-elle en lui mettant ses bras autour du cou.