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LES
DECEPTIONS DE M. DE BISMARCK
DANS
SA POLITIQUE INTERIEURE

Il y a dans la destinée du chancelier de l’empire germanique des contrastes étranges, qui seront pour la postérité un sujet d’étonnement. Elle mettra sûrement en balance les prodigieux succès qu’il a obtenus dans toutes ses entreprises au dehors et les graves échecs qu’il s’est attirés par sa façon d’administrer les affaires de son pays. Peut-être en conclura-t-elle que ce grand maître en diplomatie aurait dû s’en tenir à ce qu’il fait si bien, au métier pour lequel il était né, qu’il a eu le tort de se croire universel, de s’imaginer qu’il y avait en lui l’étoffe d’un grand administrateur, d’un grand financier, d’un ministre de commerce, de se flatter qu’il pouvait réunir dans ses mains quatre ou cinq portefeuilles sans en sentir le poids.

On a beau dire que celui qui peut le plus peut le moins, M. de Bismarck a prouvé qu’il lui était plus facile de faire des choses extraordinaires que de se tirer à son avantage des embarras de la vie courante, de gouverner l’Europe que d’organiser l’Allemagne à sa guise, de gagner à ses desseins des empereurs et des rois que de faire entendre raison à son parlement. S’agit-il de débrouiller ou d’embrouiller quelque grosse question de politique générale, tout lui réussit ; il a le coup d’œil, il a la main, la sûreté du conseil, la fertilité