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à la fois la défaite de Rosbach et la perte de l’Inde, ne les explique point par des causes assez prochaines. L’exacte histoire veut plus de précision. Nous n’avons pas ici la place qu’il faudrait pour procéder à cette enquête. Disons toutefois qu’il est un point dont évidemment M. Hamont n’a pas assez tenu compte, ou plutôt qu’à peine a-t-il considéré : l’incapacité militaire de Dupleix, en présence d’adversaires tels qu’étaient déjà Lawrence, et surtout celui qui devait être un jour lord Clive. Or, dans les conditions presque égales où la lutte s’est un moment offerte, si Clive, non moins habile que Dupleix à profiter de la victoire, était en outre capable de la préparer et de la remporter, cette seule supériorité n’explique-t-elle pas bien des choses ? Rien assurément ne peut excuser l’abandon où la cupidité de la compagnie des Indes et l’indifférence inouïe du gouvernement français laissèrent le malheureux grand homme se débattre. Et, même quand il serait prouvé qu’au lendemain de la bataille d’Arcot, l’empire de l’Inde était irréparablement perdu, nous serions encore en droit de reprocher à la politique de n’avoir pas saisi le temps, puisqu’il y en eut un certainement, où l’on pouvait, avec un peu d’énergie, le sauver et le conquérir à la France. Mais, après avoir fait au gouvernement de Louis XV sa part dans un désastre dont l’opinion publique elle-même n’a compris toute l’étendue qu’en voyant la grandeur de l’édifice que d’autres ont élevé sur nos ruines, il n’est pas permis seulement, mais il faut aussi faire à Dupleix la sienne.

Tel quel, avec les défauts qu’on n’en peut dissimuler, le livre de M. Hamont n’en est pas moins de ces livres comme nous souhaiterions qu’il y en eût beaucoup. Il était un peu humiliant de songer qu’il y a quelques années à peine, un Anglais, le colonel Malleson, du service de l’Inde, voulant étudier l’histoire des Français et de leurs entreprises au XVIIIe siècle dans l’empire du Mogol, avait dû prendre le parti d’écrire lui-même le livre qu’il ne trouvait pas. L’histoire de Dupleix est le plus considérable épisode et le plus important de cette glorieuse aventure. Ce n’en est toutefois qu’un épisode. D’autres l’ont précédé, d’autres aussi l’ont suivi. Nous espérons que M. Hamont ne voudra pas les laisser dans l’ombre. Ce ne sont pas les documens qui lui feront défaut. Je ne crois pas que ce soit non plus l’intérêt du public pour toute une partie de notre histoire qu’en aucun cas sans doute nous ne pourrions ni ne devrions renier, mais où l’on peut dire avec vérité, puisque l’amour-propre national y est intéressé, que les défaites n’ont pas été sans gloire.

Le livre du P. Emile Régnault, Christophe de Beaumont, archevêque de Paris[1], nous ramène à l’histoire intérieure du siècle. C’est encore ici, à notre grand regret, de ces sujets qui n’en sont pas, et dont l’unité

  1. Christophe de Beaumont, archevêque de Paris (1703-1781), par le P. Emile Régnault, de la compagnie de Jésus, 2 vol. in 8°. Paris, 1882 ; V. Lecoffre.