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d’apparence ne cache que sur la couverture la composition factice. Car il faut en vérité que le nom d’un homme soit bien grand, ou son rôle bien considérable, ou son œuvre bien significative, ou sa destinée bien singulière pour que l’on prétende nous intéresser à sa biographie. On ne doit composer ainsi, par fragmens extraits de l’histoire générale de leur temps, que la Vie de ceux dont les actes sont une part de cette histoire générale elle-même. Est-ce bien le cas de Christophe de Beaumont ? S’il manquait à l’histoire du XVIIIe siècle, que manquerait-il à cette histoire ? Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il empêché ? Que nous a-t-il légué ? Son biographe citerait-il un seul de ses actes qui puisse provoquer, je dis le moindre désir ou la moindre curiosité de le connaître plus à fond ? qui ne soit pas de son siège, pour ainsi dire, plutôt que de sa personne ? et de ses obligations d’évêque autant que de sa volonté d’homme ? Tous les mandemens épiscopaux ne sont pas de la littérature, toutes les résolutions d’une autorité diocésaine ne sont pas de l’histoire. Vingt autres prélats se sont trouvés mêlés et mêlés forcément, comme Christophe de Beaumont, aux luttes, aux agitations, aux controverses de leur temps. Chargerons-nous cependant pour cela de leurs noms nos mémoires, qui plient sous le fardeau qu’on leur impose ? Et leur ferons-nous dans nos histoires une place qu’ils n’ont pas tenue parmi les hommes de leur siècle ?

Je ne craindrai pas d’ajouter qu’il s’en faut de beaucoup que j’attribue à celle de ces luttes où Christophe de Beaumont s’est trouvé le plus ardemment mêlé l’importance qu’on essaie de lui prêter depuis quelques années dans l’histoire du XVIIIe siècle. On dirait, en effet, s’il en fallait croire quelques historiens, — ou plutôt quelques archivistes, — que toute notre histoire intérieure aurait roulé, près de quatre-vingts ans durant, sur l’affaire des billets de confession et des refus de sacrement Tel d’entre eux, aussi bien, n’a-t-il pas prétendu, ce qui semblerait être assez l’avis du P. Régnault, que si l’on voulait trouver les vraies origines de la révolution, c’était là, dans les interminables et fastidieuses querelles de nos évêques avec Messieurs du parlement, qu’il fallait les chercher ? Mais en réalité, les agitations soulevées par ces querelles ont été plus bruyantes que profondes ; et de ce qu’elles ont mis plus d’une fois les têtes parisiennes en effervescence, il ne résulte pas qu’elles aient atteint le gros de la nation. C’est, un élément, de l’opinion publique au XVIIIe siècle auquel il faut faire sa part, et que l’on avait eu tort de négliger, mais cette part est petite et le mouvement du siècle est ailleurs. Nous voulons bien prendre quelque intérêt aux dernières convulsions du jansénisme ; sa lutte en effet contre le clergé constitué ne laisse pas, et quoiqu’il s’y mêle bien du ridicule, d’avoir quelque chose de tragique et de désespéré. Nous ne faisons pas difficulté d’avouer, d’autre part, que l’expulsion des jésuites et,