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Parsifal, lorsqu’il a pris pour canevas le petit poème du tournoi poétique de la Wartbourg, il ne faisait que traiter un lieu-commun romantique cher aux littérateurs, aux peintres, aux musiciens, qui a inspiré un roman à Novalis, un drame à Lamotte-Fouqué, un conte nocturne à Hoffmann, des pièces lyriques à la comtesse Ida de Hahn-Hahn, à Richard Wagner le second acte du Tannhäuser, à Moritz de Schwind une fresque qui orne la salle des ménestrels dans le château de la Wartbourg. C’est la vue de cette peinture qui a suggéré à M. Scheffel l’idée première de ses poésies, et il s’est mis à parcourir jusqu’au Danube tous les sites et toutes les ruines d’Allemagne sur les traces des Minnesinger. Enfin d’autres poètes de son école, notamment M. Julius Wolf, ont après lui traité en vers la même légende que nous allons rappeler brièvement.

D’après une chronique conservée dans un ancien poème, plusieurs chevaliers poètes, qui vivaient à la cour du landgrave Hermann de Thuringe, ou s’y trouvaient réunis, décidèrent en 1207 de rivaliser dans un tournoi de chant, à condition que celui qui serait vaincu mourrait de la main du bourreau, recette infaillible, mais violente pour purger le monde des mauvais poètes. Deux écoles se trouvaient en présence : l’école purement germanique, qui ne traitait que les sujets nationaux, représentée par le poète légendaire Henri d’Ofterdingen, l’auteur prétendu des Niebelungen, et l’école d’imitation française, représentée par le chevalier Wolfram d’Eschenbach, auteur très réel du Parsifal, imité, comme on sait, du Perceval de maître Chrétien de Troyes. Dans cette lutte, Henri d’Ofterdingen fut déclaré vaincu, mais, comme bien on pense, il protesta contre le jugement, et refusa de se livrer au bourreau. Sophie, femme du landgrave Hermann, dont il avait invoqué la protection, lui permit d’en appeler de cette sentence au sorcier et poète Klingsor en Hongrie, qui termina paisiblement le conflit. — Dans ses poésies lyriques, M. Scheffel a voulu retracer cet âge d’or de la poésie chevaleresque. Entête de chaque morceau, il cite quelques vers des poètes plus ou moins connus, plus ou moins réels de l’époque, quelques passages des poèmes qui leur sont attribués, et il les développe : ce sont autant de variations brillantes d’un compositeur moderne sur de vieux airs. Comme ces poésies sont remplies d’allusions aux caractères supposés de ces poètes, et aux événemens de leur vie que leur prête la légende ou l’histoire, elles exigent tout un commentaire. Une foule d’annotations remplit la fin du volume.

Un autre thème de Frau Aventiure, ce sont les chants d’étudians voyageurs, empruntés au recueil des Carmina burana, ou chants latins des étudians du moyen âge, qui forment avec les deux grandes épopées des Nibelungen et du Parsifal, un des monumens de l’esprit