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qui du moins ont cela pour eux de ne pas excéder les bornes d’un juste volume.

L’histoire est d’une jeune Irlandaise, appelée Mlle Fidert, laquelle, « ayant eu le malheur de tuer son père après lui avoir vu tuer son amant, » est elle-même en grand danger d’être tuée par son propre frère. Un galant homme, en ce temps-là surtout, prend toujours une femme sous sa protection ; ainsi de M. de Montcal, qui, bientôt, sans l’aimer d’ailleurs, ne fait pas moins de sa protégée sa maîtresse ; car, comme il le dit lui-même avec toute l’ingénuité de Prévost, « de qui attendrait-on plus de tendresse que d’une fille qui a tué son père pour venger son amant ? » Cependant, tout en établissant Mlle Fidert dans une petite maison des environs de Londres, M. de Montcal y porte un cœur plein d’une autre femme, pour l’amour de laquelle il a jadis débuté par tuer un officier de son régiment. Mme de Gien, c’est son nom, revenant en Angleterre après une longue absence, il est donc naturellement question de se débarrasser de Mlle Fidert. Manœuvres, intrigues, vilenies mêmes à ce sujet, coups d’épée, coups de poignard, perfidies, trahisons, et finalement, passage de « cette fille vertueuse » aux bras du féroce Ecke, qui lui a rendu le service d’assassiner ce frère dont la vengeance la menaçait toujours. « Dans ce pays, dit Prévost avec la noblesse accoutumée de style dont il enveloppe toutes ces horreurs, les mariages servent, entre les particuliers, comme entre les rois, à la réconciliation des familles après ces grands malheurs. » Il est vrai que la réconciliation ici ne dure guère. Ecke, assez naturellement jaloux de M. de Montcal, a emprisonné sa femme dans une espèce de château-fort. Un jour, il l’y surprend ou croit l’y surprendre en conversation adultère avec son intendant ; sans plus d’informations, il assassine ce traître ; le pend, par surcroît de vengeance, dans la chambre même où il vient de le frapper ; et en compagnie du cadavre, il y enferme Mlle Fidert. Pour la délivrer, il faut que M. de Montcal, averti par un pressentiment, vienne en hâte au château faire deux ou trois meurtres encore, dont celui de l’odieux mari tout d’abord. Et, comme des aventures si tragiquement engagées ne sauraient finir heureusement, Mlle Fidert ou Mme Ecke, retirée chez M. de Montcal, y meurt d’un coup d’épée que lui donne par mégarde a un seigneur de la première distinction, » en disputant cette Alaciel de mélodrame à un vieil amant qui meurt de désespoir de ne l’avoir pas épousée.

Que de péripéties, et que de catastrophes ! Que de trahisons, et que d’assassinats ! Et j’en passe !, Et des plus émouvantes ! Mais plus longs ou plus courts, — rarement plus courts, — c’est à peu près sur ce modèle que sont bâtis tous les romans de l’abbé Prévost. Seulement, quand ils sont plus longs, quand ils s’étendent,