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Tout d’abord, cette enquête a porté sur la bonne foi. Leurs correspondans étaient-ils des imposteurs ou des gens sincères ?

À notre sens, rien n’est plus simple que cette question de la bonne foi ; car le nombre des fourbes n’est pas si grand qu’on l’imagine. Qu’il se soit glissé, parmi les six cents récits rapportés dans les Phantasms, quelques histoires inventées à plaisir, par quelques farceurs peu scrupuleux, cela est possible, et même assez vraisemsemblable. Nous en admettrons bien deux ou trois, ou quatre, voire même dix. Mais ce chiffre de dix est déjà un peu fort pour être vraisemblable ; car les divers correspondans des Phantasms n’ont pas été admis sans références et sans preuves à l’appui de leurs dires. Souvent ces correspondans sont des hommes considérables, des lords, des membres du barreau, du clergé, des officiers supérieurs ; en un mot, des personnes appartenant à la société civilisée, à la société que nous fréquentons les uns et les autres.

Or, dans ces conditions, qui donc est un faux témoin ? Peut-être quelques hâbleurs enjolivent-ils volontairement une histoire, quand ils la racontent à table inter pocula. Mais, quand il s’agit de faire presque solennellement un récit qui sera imprimé, avec son nom propre, on y regarde à deux fois avant de commettre une imposture. Il est inadmissible que tous ces cinq cent quatre-vingt-dix récits soient de pures fantaisies. On ne ment pas devant un tribunal ; on ne ment pas quand on raconte publiquement un fait important, après avoir attesté sa bonne foi. Ce mensonge serait d’ailleurs aussi coupable qu’inutile. De plus il serait fort difficile à faire accepter, car les rédacteurs des Phantasms exigeaient, comme preuves à l’appui, des constatations rigoureuses, telles que des actes authentiques officiels. Il me paraît donc bien superflu d’insister sur la sincérité des récits donnés.

Pour la plupart de ces narrateurs, la bonne foi est donc complète, indiscutable, et il n’y a pas à la mettre en question. Mais la bonne foi ne suffit pas : il faut aussi l’exactitude de l’observation. Ce n’est pas chose facile que de bien observer ; de rares qualités sont nécessaires. Pense-t-on qu’on va les trouver dans les récits consignés aux Phantasms of the living ?

Assurément il est impossible de supposer que ces six cents observateurs ont été tous d’excellens observateurs. Pour ma part, je croirais plutôt le contraire, et j’admettrais comme très vraisemblable que presque tous ont, d’une part, omis des détails essentiels, d’autre part, rapporté inexactement nombre de faits, se trompant pour la date, pour l’heure, pour le lieu, pour les caractères de tel ou tel rêve, tendant à amplifier ce qu’ils ont vu, et passant sous silence ce qui eût contrarié leur opinion superstitieuse. Ces restrictions me paraissent