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s’engagerait à fond dans les forêts de Madagascar et dans sa politique non moins touffue, pour réaliser de ce côté l’empire colonial.

Ces conseils qui nous viennent d’outre-mer sont inspirés en grande partie par l’intérêt local. Il y a partout îles questions de clocher. Ou doit pourtant supposer que Madagascar, avec ou sans fièvres, n’est point un pays négligeable, lorsque l’on voit avec quelle persistance les Anglais s’appliquent, depuis de longues années, à nous écarter de la grande île ou à contrecarrer nos desseins. L’Angleterre, qui est suffisamment pourvue de colonies, ne paraît pas avoir jamais eu l’idée de s’annexer Madagascar ; mais elle ne veut pas que d’autres y prennent pied ; elle n’agit point directement, elle a ses missionnaires et ses aventuriers qui se chargent de créer à la politique française tous les embarras imaginables. La lutte entre les missionnaires protestans et les missionnaires catholiques à la cour de Tananarive joue un grand rôle dans les affaires intérieures de l’île. La société de Londres a inondé Madagascar de Bibles et de tracts ; sa propagande la plus active s’est exercée à la cour et auprès des familles influentes. Les missionnaires catholiques se sont plutôt adressés au peuple. Les uns et les autres n’obtiennent, il faut le dire, qu’un médiocre succès. Mais, quelque méritoire que soit le prosélytisme, il semble difficile d’admettre que la conversion des infidèles soit l’unique but, ni même le principal objet de la campagne poursuivie par les missionnaires anglais et que l’hostilité déployée par ceux-ci contre les missions catholiques soit simplement l’effet d’une concurrence religieuse. Ce qui est plus vraisemblable, c’est que Madagascar est considéré par la politique anglaise, qui a le mérite d’être prévoyante et patiente, comme un poste d’avant-garde, comme un observatoire nécessaire, en vue des entreprises qui se préparent et déjà même sont engagées contre le vaste continent africain. L’Angleterre entre dans l’Afrique par le sud, la France par le nord et par l’ouest, l’Allemagne manœuvre sur la côte orientale, l’Italie s’agite dans la Mer-Rouge, le Portugal occupe à l’est et à l’ouest des positions qui ne sont pas sans importance, la Belgique, ou plutôt le roi des Belges fonde le royaume ou l’empire du Congo. Une convention internationale, élaborée en congrès, a essayé de régler les droits et les intérêts des divers états pour l’occupation de l’Afrique intérieure. L’Afrique est à l’ordre du jour. Elle figure déjà dans le programme du XXe siècle. De là l’intérêt qui s’attache à Madagascar. Cela regarde la politique. Quant aux touristes, on ne saurait leur promettre, à Madagascar, un voyage d’agrément.

Il serait curieux de comparer la carte actuelle de l’Afrique avec les cartes qui se publiaient il y a trente ans. Les écoliers à cette époque avaient bientôt fait d’apprendre la géographie du continent