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Club. Retournant un mot célèbre, j’en appellerai de Chamberlain à jeun à Chamberlain rassasié, c’est-à-dire du tribun ambitieux, encore vierge d’honneurs publics, au ministre rassis et agissant. Or voici comment il parlait de son leader en 1885. Il sera, disait-il, « lorsqu’il paraîtra devant la postérité, moins grand par son éloquence extraordinaire, son habileté politique, son énergique volonté et sa puissance créatrice que par son caractère personnel et par l’élévation morale qu’il a introduite dans la politique. » Voilà de belles paroles : je les cite avec joie. Elles définissent bien M. Gladstone et elles font connaître M. Chamberlain. Car nous nous peignons par le bien que nous disons de nos maîtres et par le blâme que nous infligeons à nos adversaires ; nous indiquons clairement par là et ce que nous croyons être, et ce que nous voulons n’être pas.

Mais enfin, voici M. Chamberlain ministre du commerce sous le nom de président du Board of Trade. Étudions-le dans ce nouveau rôle. Il faut l’isoler de l’action générale du cabinet, où il a peu de part. Le ministère est d’abord occupé à liquider la politique funeste de ses prédécesseurs, en attendant qu’il puisse commettre des fautes pour son propre compte. Et il n’y manque pas. La tragi-comédie égyptienne se déroule : le bombardement d’Alexandrie, Tell-el-Kébir, la perte du Soudan et l’aventure lamentable de Gordon. Sur ce sujet, tous les politiciens anglais, sans distinction de parti, ont prononcé, à leur heure, la même phrase : « Nous nous retirerons de l’Egypte dès que nous le pourrons. » Toute la politique anglaise tient dans cette phrase, que je ne qualifierai pas très cruellement en la taxant de demi-sincérité. M. Chamberlain l’a répétée comme les autres. Glissons sur ce point : nous y trouverions peut-être de bonnes raisons pour nous frapper la poitrine. Glissons aussi sur la question des tarifs. Elle est trop controversée et, en même temps, trop vitale pour être traitée ici sans une compétence et une autorité particulières. Je dirai simplement qu’il n’a pas dépendu de M. Chamberlain de maintenir les traités de 1860. Lorsqu’il s’est trouvé, dans le parlement, en présence d’un parti protectionniste renaissant et chaque jour plus audacieux, il a repoussé tant qu’il a pu l’idée des représailles économiques, plus nuisibles, parfois, à celui qui les exerce qu’à celui qui les subit.

M. Chamberlain a fait voter deux lois, l’une sur les brevets (patent law), l’autre sur les faillites (bankruptcy law), La première loi laisse la durée du brevet d’invention fixée à quatorze ans, mais en réduit le coût de 177 livres sterling à 154. Une concession plus importante fait descendre de 10 livres à 4 livres le prix du brevet provisoire valable pour quatre ans. De ces quatre livres, une seule