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Z|94 REVUE DES DEUX MONDES. ■ — Oui. Mais... — Enfin, ce n’est pas ce que Frantz a pu te dire à mon sujet qui t’a décidée? — Certes, non. Il y avait un remède moins héroïque... Cepen- dant, tu as été pour quelque chose dans cette décision... Es-tu, du moins, rassurée? — Ah ! s’il suffisait d’écarter un danger pour ne plus voir les autres ! La jeune femme avait levé vers le plafond ses yeux devenus su- bitement humides. — Tu pleures? — C’est que je sens bien, vois-tu, que mon mari est perdu pour moi! — Y a-t-il longtemps que tu le sais ? demanda Marie-Madeleine après une hésitation. — Je m’en suis doutée dès que je me suis aperçue qu’il te re- gardait, non pas trop, mais d’une certaine façon... Ses regards m’avaient avertie qu’il se détachait de moi; sa conduite me le prouve. Tu n’es plus là : il s’en va. — Il reviendra. — En attendant, c’est toi qui devrais bien revenir. — Moi! — Je ne peux pas vivre sans mari et sans amie, seule en face de cette vieille baronne qui est en débat sérieux avec la mort et que je n’arrive pas à plaindre, tant je la crois méchante et fausse. Tu te marieras prochainement. Mais, jusque vers le dernier mo- ment, ta place est bien chez moi... surtout depuis que mon mari n’y est plus. Reviens-y. — Et... et si cela l’y faisait revenir, lui aussi? Hélène contempla Marie-Madeleine avec une sorte de stupeur mêlée d’admiration jalouse. — Il t’aime donc bien? fit-elle. Puis, très vite : — Je suis sûre qu’il te l’a dit, qu’il t’a fait la cour, qu’il t’a sot- tement poursuivie, persécutée de ses soupirs... Pourquoi ne t’en es-tu pas plainte? Et, comme Marie-Madeleine se taisait : — T’aurait-il vraiment outragée? demanda-t-elle. L’autre jour, par exemple, quand il est venu? La jeune fille, à son tour, regarda sa cousine. Celle-ci avait un air profondément anxieux et affligé. — INon, répondit Marie-Madeleine avec effort. Mais je craindrais... — Puisqu’il n’est plus là, que crains-tu? Je ne le préviendrai pas, sois tranquille!