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60,000 actions nouvelles attribuées aux titulaires des 120,000 actions anciennes, dans la proportion d’une action nouvelle pour deux anciennes. La libération de 250 francs est faite pour les nouveaux titres au moyen d’un prélèvement sur les réserves disponibles de la société.

Vient la guerre avec ses ruines, ses misères sans nombre, résultat de la défaite et de l’invasion, la dépréciation de toutes les propriétés. L’année 1870 ne donne que 12.50 de dividende aux actionnaires, mais le chiffre se relève dès l’année suivante à 32.50. Il atteint assez péniblement 36.25 en 1874 et retombe à 23.50 en 1876, à 12.50 en 1877. C’est une période critique pour le Crédit foncier. Son portefeuille est gonflé de valeurs égyptiennes ; les conditions des prêts hypothécaires, onéreuses pour les emprunteurs, à cause du taux élevé de l’intérêt et de la commission fixe pour frais d’administration, arrêtent l’essor des opérations et provoquent un courant inquiétant de remboursemens anticipés. Non-seulement le montant total des prêts hypothécaires existans ne progresse plus, mais il diminue. À la fin de 1878, il était de 833 millions. Un an après, il reculait à 793 millions.

La dernière période décennale s’ouvre par un changement à vue. De grandes opérations de conversion, portant sur des centaines de millions, transforment en deux années la dette-obligations de la société. Le public, confiant dans la nouvelle administration dont la hardiesse l’enchante, autant que son intégrité présumée le rassure, prête au Crédit foncier des sommes énormes à un très bas prix de revient, et, aussitôt, les conditions faites aux emprunteurs sont abaissées d’autant. Peu de temps après, la commission fixe qui avait été une longue erreur économique, disparaît, et les bénéfices de l’établissement ne sont plus constitués que par un écart maximum de 60 centimes pour 100 francs entre le prix de revient des emprunts et le taux auquel les prêts sont concédés.

De quelle importance étaient ces réformes, les chiffres vont le dire : le montant des prêts hypothécaires atteint 946 millions fin 1880, 1,231 millions fin 1881, 1,541 fin 1882, 1,789 fin 1883, 1,925 fin 1884, 1,988 fin 1885, et 2,022 millions fin 1886. Après ce grand effort, il fallait redouter un retour en arrière, un renversement de la proportion entre les prêts nouveaux et les remboursemens anticipés, d’autant que le Crédit foncier avait eu à lutter contre des événemens fâcheux : le krach de 1881-82, qui avait enrayé le succès de ses émissions en le contraignant d’emprunter et par conséquent de prêter à des conditions plus onéreuses, et la crise immobilière, qui réduisait la valeur des propriétés sur lesquelles il avait consenti des prêts dans des conditions que les