Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je fais ce qui m’est possible pour attirer l’attention du gouvernement sur ce sujet que je considère comme d’un immense intérêt. »

S’adressant au même ministre en novembre 1858, M. Le Maout disait encore :

« … Je sais le sort réservé à tout homme qui annonce une idée nouvelle, quand cette idée surtout est en opposition avec les notions acquises, et je ne me décourage pas devant l’inertie, l’ignorance, ou les résistances systématiques que je rencontre. Je laisse au temps, juge en dernier ressort, le soin de décider si je poursuis une utopie ou si je proclame un fait bien observé, une vérité physique fondamentale qui eût dû, il y a cinq siècles, sauter aux yeux de tous.

« Depuis quatre ans, sous le ciel brumeux où je vis, j’ai constaté sept ou huit mille fois cette remarquable propriété des corps sonores que j’avais découverte en faisant mes observations sur l’action du canon sur le baromètre, pendant le siège de Sébastopol.

« Depuis quelque temps, il ne tombe que de petites ondées ; à peine l’eau a-t-elle touché le sol qu’elle est bue et disparaît ; aussi la terre est-elle tellement dure et compacte que le laboureur évite d’y mettre le soc, et que, si ce temps continue, le sort de la récolte prochaine pourra faire naître quelques inquiétudes. Les sources de la plupart de nos puits et de nos fontaines publiques sont à peu près taries, et les meuniers se plaignent de ne pouvoir, faute d’eau, fournir la mouture suffisante.

« Ce serait le cas pour le gouvernement de faire un essai de l’action condensatrice du canon, et de fixer l’opinion sur un phénomène purement artificiel. Ce puissant, cet immense moyen de condensation des vapeurs aqueuses de l’air sera infailliblement tôt ou tard utilisé par l’agriculture, car les faits ont une puissance qu’aucune autorité ne peut détruire.

« Faites, monsieur le ministre, que la gloire d’avoir résolu cet important problème ne soit pas pour un de vos successeurs. « 

En 1870, comme l’agriculture souffrait beaucoup de la sécheresse qui régna durant la première moitié de l’année, Le Maout revint à la charge. Il fit soumettre ses idées à l’empereur par M. Tremblay, un ancien officier de marine, que M. Le Maout avait su convaincre. M. Tremblay proposa à l’empereur de faire l’expérience et d’ordonner une canonnade qui devait, selon lui, faire pleuvoir, à condition qu’elle se produisit dans un moment favorable. L’empereur refusa. M. Tremblay se tourna alors vers l’Académie des Sciences, mais il y rencontra un adversaire déclaré, le maréchal Vaillant. Ce dernier connaissait les observations de