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temps pour arriver au même résultat. Il faut commencer par les grandes villes du littoral méditerranéen, par ces foyers permanens d’insalubrité qui s’appellent : Toulon, Marseille, Gênes, Naples, etc. Naples et Marseille ont déjà commencé leur œuvre. La première, à la suite de l’épidémie de choléra de 1884, adopta un projet grandiose, comprenant la démolition de 17,000 maisons, de 62 églises, l’expropriation de 7,000 propriétaires, et devant coûter 100 millions. L’inauguration des travaux a eu lieu au mois de juin 1889, en présence du roi d’Italie.

Marseille n’a pas fait aussi grandement les choses ; cependant le 8 octobre dernier, on y a commencé l’exécution d’un réseau d’égouts destiné à recueillir toutes les immondices de la ville, dans un collecteur unique de douze kilomètres de longueur qui les portera à la mer, au-delà des collines de Marseille, dans la calanque déserte de Cortion. Les travaux seront terminés en cinq ans et coûteront 33 millions et demi.

Toulon en est encore aux projets ; on en a fait un grand nombre, mais on s’en est tenu là. Une nouvelle tentative se fait en ce moment. M. L’ingénieur en chef Bechmann, chargé du service d’assainissement de Paris, vient de se rendre sur les lieux, pour y étudier de nouveau la question. La nécessité de faire disparaître ces grands foyers d’infection par lesquels débutent toujours les épidémies est aujourd’hui reconnue par tout le monde, et l’exécution n’est plus qu’une affaire de temps.

Lorsque les nations riveraines de la Méditerranée auront assaini leur littoral, elles pourront attendre les épidémies de pied ferme et renoncer aux dernières mesures d’isolement qui sont encore nécessaires, en conservant la désinfection, qui n’est que l’assainissement appliqué aux navires.

Lorsque les populations de l’intérieur auront fait de même, elles jouiront d’une sécurité égale et ne craindront plus les provenances de l’Asie. Enfin, dans un avenir très éloigné et que les hygiénistes n’entrevoient encore qu’en rêve, on pourra peut-être entreprendre la destruction des immenses foyers exotiques au sein desquels s’élaborent les miasmes de ces redoutables maladies, et d’où elles partent pour se ruer sur l’Europe.


JULES ROCHARD.