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saisie, du moins directement, que de ceux-là. Le reste est réparti selon les ministères entre les autres sections, hormis, naturellement, la section du contentieux. Voici, par exemple, une loi sur les chemins de fer : l’étude en reviendra de droit à la section des travaux publics. S’agit-il d’une loi intéressant l’organisation communale ? Elle sera attribuée à la section de l’intérieur, et ainsi du reste.

— Mais alors, objectera-t-on, pourquoi cette rubrique : section de législation ? Pourquoi cette qualification spéciale, que les sections voisines méritent, ce semble, aussi bien, puisque chacune d’elles a sa part dans l’œuvre législative du conseil d’État ?

Pour expliquer cette anomalie apparente, il faut remonter à l’époque où le règlement initial du 5 nivôse an VIII intervint. C’est lui, en effet, qui, créant les sections, les a désignées d’après les ministères auxquels chacune d’elles devait correspondre. Or, très évidemment, la fraction du conseil qui allait avoir en partage les affaires du département de la justice fut alors dénommée section de législation parce que la plupart des projets de loi qu’elle était appelée à recevoir de ce département concernaient la législation civile, et l’on sait quelle a été, sous le consulat et même sous l’empire, l’importance extraordinaire de ces projets qui, durant dix années, défilèrent en un immense cortège devant l’assemblée du conseil d’État et devinrent successivement le code civil, le code de procédure, le code de commerce, le code d’instruction criminelle, le code pénal[1], Remarquez que la terminologie de l’an VIII précisait bien le caractère spécial de la nouvelle section et sa compétence très restreinte en matière législative ; car le règlement de nivôse l’appelait : section de législation civile et criminelle. Cette qualification subsista jusqu’à la restauration. Ce fut alors que, pour la première fois, dans les ordonnances du 29 juin 1814 et du 23 août 1815, on omit les deux épithètes ; il en fut de même lorsqu’on rétablit la section en 1839, puis en 1852 ; il n’est plus resté que le mot : législation, tout court. De là l’équivoque qui s’est perpétuée jusqu’à présent ; de là l’erreur du public qui, sur la foi de cette étiquette, s’imagine que la section de législation est chargée seule de tous les projets de loi déférés au conseil. Ce qui est exact, et par où la dénomination, en somme, se justifie, c’est que, toutes les fois qu’une des autres sections administratives se trouve saisie soit d’une loi, soit d’un règlement, soit d’une question qui touche aux principes généraux de notre droit

  1. Ce fut, il est vrai, la section de l’intérieur que le gouvernement chargea d’élaborer le code de commerce, mais avec le concours de la section de législation.