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de Mme la duchesse d’Angoulême, il était appelé un misérable, et l’on soutenait que Bailly et lui avaient poussé le roi au voyage de Varennes.

Quoique indifférent aux injures, La Fayette, sous prétexte de répondre à ses calomniateurs, avait tracé en vingt pages une esquisse de l’ancien régime et un résumé des conditions indispensables « pour nationaliser la Restauration. » Cet écrit devait paraître dans les premiers jours d’avril 1815. Le retour de l’île d’Elbe en arrêta la publication. S’adressant aux ultra-royalistes, La Fayette leur disait : « c’est vous qui repoussâtes les réformes de Turgot, Malesherbes et Necker, acceptées par Louis XVI ; ce sont les intrigues de vos parlemens contre les ministres, qui nécessitèrent ces assemblées de notables, où vous défendîtes vos privilèges en 1787 contre le roi, en 1788 contre le peuple, et puis les états-généraux convoqués au milieu des émeutes civiles et de l’indiscipline militaire, dont vous étiez alors les fauteurs. — À l’assemblée constituante, votre opposition furieuse, où vos perfides votes n’ont cherché qu’à empêcher le bien, ou à empirer le mal ; et depuis, vos espérances et vos menées n’ont-elles pas, sans cesse, en haine de la liberté, invoqué les excès et les crimes de l’anarchie ? C’est en allant solliciter partout l’invasion étrangère et la ruine de votre patrie, en déclarant une guerre d’extermination aux partisans de la Révolution, c’est-à-dire à presque tous les Français, que vous avez abandonné le roi et accrédité la méfiance contre lui, que vous avez affaibli les défenseurs de l’ordre public, fortifié les jacobins, amené la Terreur, la destruction de la famille royale et de tant d’autres victimes ! Et vous venez mesurer l’honneur et le blâme aux citoyens qui ont défendu leur pays et ses lois, protégé vos familles et vos biens, aussi longtemps que vos intrigues l’ont permis, aux guerriers qui ont déjoué vos complots parricides, et couvert l’Europe de la gloire française ! Mais, en supposant toutes choses égales entre vous et les patriotes, du moins est-il vrai que l’opinion de ceux-ci tendait à l’amélioration générale, au lieu que la vôtre a pour base le maintien de vos privilèges !.. »

Certes, si La Fayette péchait par le flegme et la froideur, ce n’était pas le jour où il écrivait des pages semblables à celles-là ! Ce n’était pas non plus le jour, où, malgré la charte, il fut porté atteinte à la liberté individuelle, dans la personne des généraux : Grouchy et Exelmans. Le premier, à qui l’on reprochait une lettre inconvenante, à propos du titre de colonel général enlevé aux titulaires pour en gratifier les princes (ordonnance du 15 mai), avait reçu l’invitation d’aller à la campagne ; il consulta La Fayette, qui l’engagea vivement à ne pas obéir. Quant au général Exelmans