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malléable, ductile et changé en métal. » On sait que le procédé du verre incassable a été découvert de nouveau de notre temps, et cette fois sous une forme positive, sans équivoque et d’une façon définitive.

À la vérité, il ne s’agit pas du verre malléable ; mais celui-ci même n’est pas une chimère. En effet, on a décrit, dans ces dernières années, certains procédés industriels de laminage et de moulage du verre, fondés sur l’état plastique et la malléabilité qu’il possède à une température voisine de sa fusion. Or un article de la « Clé de la peinture » semble indiquer la connaissance de quelque procédé analogue. Ce sont ces propriétés réelles, aperçues sans doute dès l’antiquité et conservées à l’état de secrets de fabrication, qui auront donné lieu à la légende.

Quelques mots en terminant sur les écrits techniques qui portent les noms d’Éraclius et de Théophile. Ces écrits sont plus connus que les « Formules pour peindre » et la « Clé de la peinture ; » ils ont été l’objet d’un certain nombre de publications, mais ils sont plus modernes. Ils se distinguent parce que les auteurs en sont dénommés, tandis que les a Formules » et la « Clé » sont anonymes. Toutefois on sait peu de choses sur ces deux auteurs.

Éraclius ou Héraclius se rattache à la tradition byzantine de l’Italie méridionale ; il a vu les ruines des édifices antiques à Rome, il est hanté par le souvenir de la gloire et de la puissance romaines ; mais il exprime son admiration avec la naïveté et les connaissances confuses d’une époque redevenue barbare. La collection de recettes qui porte son nom se compose de deux parties, de composition et de date différente. La première est formée par deux livres en vers, qui offrent le caractère des écrits de la fin de l’époque carlovingienne (IXe et Xe siècles).

Elle traite des couleurs végétales, de la feuille d’or, de l’écriture en lettres d’or, de la dorure, de la peinture sur verre, de la préparation des pierres précieuses artificielles : leur taille y est décrite par l’emploi d’un tour de main chimérique, accompli avec le concours du sang de bouc : c’est une vieille formule qui a traversé tout le moyen âge. Toutes ces recettes sont d’origine antique, un peu vagues d’ailleurs et sans invention nouvelle.

Le livre en prose est rédigé d’une façon plus solide et plus précise : il a dû être ajouté plus tard par un continuateur, vers le XIIe siècle, car il y est question de la teinture du cuir de Cordoue, et le cinabre (couleur rouge) y est désigné sous le nom d’azur, traduction d’un mot arabe, fréquente au XIIe siècle et qui a donné lieu à toutes sortes de contresens et de confusion avec notre azur bleu moderne. L’auteur rapporte également les vieux contes de Pline et d’Isidore de Séville sur l’origine du verre et sur l’invention