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origine du droit des pauvres) ; ou bien encore il interdit de représenter les mystères sacrés, défense qui provoqua la renaissance du théâtre, en obligeant les auteurs à traduire ou imiter les anciens. Il défendra encore à une troupe italienne l’exercice de sa profession, et, pour justifier cette rigueur, mettra en avant le prix trop élevé des places, fixé à 5 ou 6 sols, « somme excessive, dit l’arrêt, et non accoutumée d’être levée en tel cas, qui est une espèce d’exaction sur le pauvre peuple. » Mais, dès le XVIe siècle, il y avait tel concours et affluence de peuple aux spectacles, que « les quatre meilleurs prédicateurs de Paris n’en avaient pas tretous ensemble autant quand ils prêchaient ; » et l’esprit moderne s’affirme nettement dans une réplique de Jean du Pontalais au curé de Saint-Eustache indigné qu’il osât appeler à lui la foule pendant son sermon. « Hé ! qui vous a fait si hardi de jouer du tambourin tandis que je prêche ? — Hé ! reprit l’entrepreneur de mystères, qui vous a fait si hardi de prêcher tandis que je joue du tambourin ? »

Après mainte hésitation, les rois de France prennent parti avec le peuple pour les comédiens contre l’Église et les parlemens. Bouffonneries et ballets pénètrent en France avec Catherine de Médicis, qui « riait de tout son saoul » aux farces des zani et des pantalons, car « elle était joviale, observe Brantôme, et aimait à dire le mot. » Gli Gelosi (les jaloux de plaire) sont appelés, protégés par Henri III, en dépit des magistrats qui fulminent et leur reprochent de n’enseigner que paillardises. Quant à Marie de Médicis, elle multiplie les avances à Arlequin pour qu’il vienne la voir, l’appelle dans ses lettres : mon compère et souffre qu’il la nomme : ma commère, n serait trop long de redire les faveurs octroyées aux acteurs de l’Hôtel de Bourgogne, leur troupe soustraite à la juridiction du parlement pour ne plus dépendre que de la royauté, Louis XIII, la cour et les évêques assistant aux représentations du Palais Cardinal, dans ce théâtre qu’on avait surnommé la paroisse de l’abbé de Boisrobert, les comédiens relevés de toutes les censures et replacés dans le droit commun par la déclaration royale de 1641, Mazarin non moins passionné que Richelieu pour les spectacles, faisant jouer chez lui les pièces les plus salées, de hauts dignitaires du clergé composant des tragédies, d’aucuns même montant sur la scène, Louis XIV pensionnant la troupe de Molière, accordant à celui-ci le titre de valet de chambre du roi, agréant pour filleul le fils de l’arlequin Dominique, organisant définitivement l’Opéra en 1669, « une sottise chargée de musique, dit Saint-Évremond, de danses, de machines, de décorations, une sottise magnifique, mais toujours une sottise. » Mais voici la querelle des jansénistes et des jésuites, les représentations de ces derniers, les comédies théologiques