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se font pas le plus souvent au profit à l’associations, et si elles ne se concilient pas finalement avec une dispersion générale des capitaux à travers la masse entière, phénomène dont la généralisation progressive des épargnes de toutes sortes est la preuve frappante. S’il est vrai que, sur bien des points, l’outillage industriel se concentre, cet outillage lui-même appartient souvent à des sociétés et se traduit par des titres mobiliers individuels. Enfin, nous avons vu que le grand outil, la terre, est bien loin d’être, en France, la propriété de quelques-uns. Il ne faut pas confondre, comme le font les collectivistes, la concentration de la culture avec la concentration de la propriété. Que dix à trente propriétaires, quand l’exploitation demande des procédés perfectionnés, afferment leur terres à un seul et même fermier, qui cultive un ensemble de 100 à 300 hectares, cette culture concentrée n’en laissera pas moins intacts les droits individuels des propriétaires. Là où la culture concentrée ne s’impose pas, on voit se correspondre assez exactement la petite propriété et la petite culture. Cette situation complexe, mêlée de biens et de maux, est loin de celle qu’imaginent les collectivistes. Les inconvéniens et excès que nous avons signalés ne doivent pas faire méconnaître ce qu’il y a de méritoire, en somme, dans l’active production et la distribution généralement équitable des richesses en France. Oui, il y a concentration terrienne sur quelques points ; oui, il y a dispersion exagérée sur d’autres ; mais ce sont là deux phénomènes extrêmes de remous, qui n’empêchent pas le courant général et moyen de diffusion du capital dans la masse.


II

Un mouvement social d’importance majeure, qui s’est produit dans le même sens que le précédent, c’est la baisse des revenus et de l’intérêt. L’avilissement des revenus du sol, en dépit de tous les droits protecteurs, continue de s’effectuer sous nos yeux, et à l’excès ; la propriété urbaine elle-même diminue de rendement et de valeur. Le prêt ne saurait sans doute, en droit, devenir gratuit, parce qu’il est le prix d’un service rendu à l’emprunteur, qui ne peut pas exiger ce service ; mais, par l’effet des lois économiques, le prêt tend à se rapprocher sans cesse de la gratuité sans l’atteindre. Deux élémens constituent l’intérêt : le loyer du capital, la prime du risque ; or ces deux élémens ont été en