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simple décret, pour obliger l’État à insérer des tarifs minimum dans ses cahiers des charges, et pour permettre aux départemens et aux communes de les imposer à leurs adjudicataires. Il a promis en outre, après M. Waldeck-Rousseau, une loi sur les syndicats professionnels, et on l’en a félicité d’avance ; mais on lui a demandé autre chose encore, et, dans cette foule accumulée autour de lui, le représentant attitré de la libre-pensée maçonnique est venu à son tour faire entendre ses revendications. C’est contre les congrégations religieuses que ses principaux traits ont été dirigés. Il faut faire sans doute une loi sur les associations, mais beaucoup moins pour autoriser celles-ci que pour condamner et frapper les congrégations. Ce n’est pas assez. Il faut encore prendre des mesures contre la liberté de l’enseignement, et, si on ne peut pas la supprimer directement, il faut employer des moyens indirects pour l’étouffer dans les entraves où on l’enfermera. Tout cela a été dit en propres termes ; tout cela a certainement été compris par le ministre à qui on s’adressait, et aussitôt ratifié et accepté par lui. Il voulait, par les satisfactions qu’il apportait à son parti, lui donner un élan nouveau, sachant très bien que sa propre situation ministérielle serait d’autant plus forte qu’il serait poussé et soutenu au dehors par des amis plus ardens, et que, si le ministère venait à succomber, sa situation personnelle resterait d’autant plus importante qu’il aurait produit plus d’effet en traversant le pouvoir. Aussi a-t-il parlé haut et ferme, au nom du gouvernement tout entier, affectant les allures d’un président du Conseil beaucoup plus que d’un simple ministre du Commerce, ouvrant aux siens les plus brillantes perspectives, et leur montrant le but à atteindre en plantant, comme il a dit, « leur drapeau vainqueur sur le sommet de la Montagne. » De tels discours laissent des fermens dans l’imagination de ceux qui les ont entendus, et c’est bien ce que désirait l’orateur.

Il y a lieu de croire que le retentissement de ses harangues n’a pas causé la même satisfaction à tous ses collègues. Nous ne savons pas ce qu’en a pensé M. Waldeck-Rousseau : peut-être a-t-il trouvé que, sur certains points, M. Millerand était allé plus loin qu’il n’était sage de le faire. Toutefois, en ce qui concerne les congrégations, il ne semble pas qu’il y ait désaccord entre eux. M. Waldeck-Rousseau fait effectivement annoncer par ses journaux qu’il se propose de reprendre, en le complétant sans en modifier l’esprit, le projet de loi qu’il a présenté en 1882 et que nous avons rappelé plus haut : or, ce projet condamnait d’une manière absolue les congrégations, qu’il distinguait des associations. « Elles ne sont pas, disait l’exposé des motifs, des