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est de faire le départ entre ceux qui seront mieux gérés par l’Etat, le département ou la commune, et ceux que de simples particuliers assureront à meilleur compte et avec une plus grande perfection. Voilà, croyons-nous, dans quel esprit d’étude sérieuse et de calme discussion devrait être abordé le problème du socialisme ; ici, comme dans un grand nombre de questions humaines, les mots servent d’épouvantail aux uns, et charment les autres en les égarant. Que de terreurs, que d’illusions évitées, si on faisait comprendre aux partis extrêmes et à la masse du pays quelle est la portée de certaines réformes réclamées à grand fracas par les partis extrêmes, qui ont été appliquées dans des pays monarchiques et conservateurs, et qui à ce titre déjà pourraient être tout au moins examinées et discutées chez nous, mais qui bien souvent n’ont amené aucun progrès sur l’état de choses antérieur.

On ne saurait s’élever à de trop hautes conceptions lorsqu’il s’agit de légiférer sur les finances d’un pays. Il faut, en présence de chaque problème fiscal, remonter à la source, rechercher les principes qui sont engagés et mesurer les conséquences de la solution proposée. Voter une dépense, c’est à la fois enlever à chacun de nous une fraction de son revenu, et engager un acte qui affirmera une politique déterminée. Nous voudrions voir gravées au-dessus de la tribune du Palais-Bourbon les paroles mémorables que le marquis d’Audiffret écrivait dans son bel ouvrage sur le système financier de la France : « L’administration des finances est de toutes les parties du service public celle qui touche le plus immédiatement aux divers intérêts de la société ; elle produit le bien-être ou le malaise des peuples ; elle affermit ou ébranle les trônes, par une influence plus prompte et plus sensible encore que celle qu’exercent les combinaisons de la politique. » Remplaçons le mot trône par celui de gouvernement, et nous aurons, en ces quelques lignes, le résumé d’une vérité profonde qui doit à la fois nous faire saisir l’importance des problèmes budgétaires et nous tracer la voie dans laquelle se trouveront les solutions.

Nous avons aujourd’hui examiné surtout nos dépenses, convaincus que des réformes sont possibles pour beaucoup d’entre elles. Nous n’avons pas le loisir d’insister sur la place croissante qu’y prennent des chapitres comme ceux des subventions et primes de toute nature, dont le principe est si contestable, ni de discuter en particulier le régime complexe des sucres et des