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Qu’étaient en comparaison les complimens purement mondains dont elle s’était amusée chez {Mme de Vende comme d’une intrigue de bal masqué ? — Au moins, pensait-elle, celui-là ne me prend pas pour un vieil académicien ; il me devine, et l’homme qui me devine est Jean Salvy !

À l’heure du dîner, sa mère la retrouva dans le salon telle qu’elle l’avait quittée, son chapeau sur la tête et baisant avec transport un journal dont l’aspect n’avait rien de particulier.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.

— Maman, le croiriez-vous, tout l’article de Jean Salvy, aujourd’hui, est sur ce Brusque Réveil.

— Eh bien ! tant mieux pour Monsieur ou Mlle Tchelovek, fit Mme des Garays avec placidité.

— Oh ! maman, si vous saviez… il faut que je vous dise… si vous saviez comme je suis ravie…

— Tu t’intéresses tant que cela vraiment à un livre que tu n’as pas même lu ?

Une vague inquiétude avait saisi Mme des Garays ; elle regardait sa fille avec sévérité.

— Pardon, maman, chère maman… je dois vous avouer que je le connais…

— Tu as lu le Réveil ? Cette désobéissance…

Marcelle s’était blottie tout près de sa mère et cachait sa tête sur son épaule.

— Je ne peux pas dissimuler davantage, maman, non je ne l’ai pas lu, comme vous dites, je suis plus coupable encore. Je l’ai écrit.

— Toi !

Mme des Garays n’eût pas reçu autrement l’aveu de la dernière dégradation.

— Moi-même, maman. Pardon, je ne le ferai plus, ajoutat-elle, du ton d’un enfant pris en faute. Mais il faut cependant le reconnaître ; c’est bien amusant, pour une fois, de mystifier ainsi tout Paris.

Cette suprême inconvenance parut rendre la parole à Mme des Garays. Avec un emportement dont Marcelle ne l’eût jamais crue capable, elle l’accabla des plus véhémentes accusations, lui reprochant sa duplicité, le rôle absurde qu’elle lui avait fait jouer, l’impudeur qu’elle avait mise à se déshabiller en public, l’indélicatesse de certains portraits.