— J’espère, dit-il, que la connaissance mutuelle deviendra plus intime. Vous restez parmi nous, n’est-ce pas ? Vous rentrez en pays civilisé ?
— Jusqu’à mon prochain grade en tout cas, mais la nostalgie me reprendra peut-être auparavant.
— La nostalgie du Sénégal et autres climats d’un égal agrément ? C’est étrange ! Jusque-là vous n’habiterez pas Paris ?
— Pardon, le régiment d’infanterie pour lequel j’ai quitté, sans lui dire adieu, la légion étrangère, s’y trouve caserné.
— Oh ! très bien.
Salvy laissa tomber ce « très bien » d’un ton distrait, plutôt ennuyé.
— Alors l’occasion ne nous manquera pas de causer de choses d’Afrique. Vous avez dit la légion étrangère… un ramassis de forbans, n’est-ce pas !
— Des gens très braves et dont on fait ce qu’on veut à la condition d’avoir la main ferme et de savoir les prendre.
— Vraiment ? Je me représentais le rebut de l’espèce humaine, qui déjà par elle-même vaut si peu !
— Vous êtes pessimiste, dit en riant Robert. Croyez-moi, il y a beaucoup de bon chez les plus mauvais.
— Je croirais plutôt qu’il y a beaucoup de mauvais chez les meilleurs.
Il s’interrompit pour dire à sa femme : — Je viens de rencontrer Varades. Votre roman est fort apprécié.
— Vraiment ?… Tout dépend, pour que je m’en réjouisse, de la qualité des appréciations. C’est la vôtre que je voudrais connaître.
Il évita de répondre, occupé qu’il semblait être à contempler un de ces grands bambous qui remplacent dans les salons l’antique jardinière et dont chaque branche creuse loge des feuillages et des fleurs.
— Voilà qui est arrangé à ravir.
— C’est Nicole…
— Je m’en doutais. — Et s’adressant à Robert :
— Mlle Ferrier dans cette maison où l’on travaille ferme, indifférent aux jolis détails de la vie, représente par excellence la femme avec toutes ses grâces. Elle ne cesse de semer chez nous les fleurs dans le sens réel comme au figuré.
Phrase ambiguë où Robert crut surprendre une intention
