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ni assez autorisé pour le traiter maintenant en adversaire public. Il fallait le ménager et pactiser avec lui. Il ne songea plus qu’à mettre le sceau à une autorité désormais indéniable, en s’assurant le prestige de la pourpre cardinalice.

Dès le 22 janvier, Marie de Médicis avait posé la question en termes catégoriques à Puisieux. La lettre qu’elle adressait au ministre était aigre et ferme. C’était à prendre ou à laisser ; elle mettait son amitié à ce prix : intervenir franchement à Rome pour obtenir le chapeau. Puisieux avait été le complice de la manœuvre déloyale de Luynes. Mais il n’était pas de taille à reprendre le jeu. Il essaya de s’en tirer en biaisant. Il laissa entendre qu’il assurerait le chapeau à l’évêque, si celui-ci prenait l’engagement d’aller résider à Rome. On eût fait d’une pierre deux coups, puisque, en même temps, on séparait la Reine-Mère de son confident. Richelieu eut l’air de condescendre à ce qu’on réclamait de lui. Puisieux envoya donc à Rome une expédition officielle en faveur de la promotion. Immédiatement, Richelieu prit acte par une lettre écrite à Puisieux : « Cela étant, je recevrai, sans doute, par votre moyen, l’honneur qu’il plaît au Roi me procurer en considération de la Reine sa mère et vous supplie de croire que je cesserai plutôt de vivre que de manquer à embrasser soigneusement toutes les occasions que je pourrai pour me revancher des obligations que je vous aurai. » A la rigueur, on pourrait prendre cela pour un engagement.

Sur ces données, on fit une espèce de trêve. La Reine-Mère entra au Conseil, où Condé avait pris ses sûretés contre elle. Il disait « qu’on ne lui donnerait connaissance que de ce qu’on voudrait, et qu’on se servirait d’elle pour autoriser les décisions après des peuples. » Elle fut assez habile pour se tenir coite au début ; cherchant à lire dans les yeux du Roi, s’appuyant sur les plus sages et les plus expérimentés, comme Schomberg. L’évêque de Luçon la dirigeait toujours du dehors.

Mais l’heure arriva où il fallut bien compter avec elle. Cette grave question de l’attitude à prendre à l’égard des protestans était restée en suspens. Le Roi avait quitté le Midi sur un échec ; son autorité était méconnue et bafouée ; il avait laissé le duc d’Elbeuf avec les débris de son armée pour contenir les protestans pendant l’hiver. Mais le retour de la belle saison forçait à prendre un parti.

D’autre part, les affaires du dehors s’aggravaient. Les Espagnols