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rempli le but de son séjour à Aix-la-Chapelle ; mais il a toute la chance et les promesses de l’atteindre sous peu.

« L’Impératrice mère a été comme toujours excellente pour moi. Ma belle-mère a vivement joui de sa réunion momentanée avec nous. Mes garçons ont eu auprès d’elle tout le succès imaginable. J’ai revu toute cette cour de Russie et j’ai trouvé fort commode qu’elle vînt me chercher si loin. J’ai renoué mes tendresses avec le grand-duc Constantin. Enfin, j’ai passé par tant de reconnaissances dans un si court espace de temps que, si je n’avais pas fait une bonne maladie par suite de mes fatigues, je serais fort tentée de prendre tout ce voyage pour un rêve.

« Après avoir expédié Congrès et grandeurs, nous sommes allés nous rafraîchir à Paris, où nous avons trouvé une épidémie de fièvre chaude, tellement était grande l’agitation des partis. La crise a été bien près de devenir dangereuse. Des ministres en retraite, des ministres en faveur, des espérances, des craintes, des courtisans dans les plus vives perplexités, ne sachant distinguer le soleil levant du soleil couchant, car les fluctuations ont été fréquentes et prolongées, tout cela fait un spectacle curieux, et qui eût pu être divertissant s’il n’avait menacé de devenir tragique. Au bout de tout cela, toute l’Europe doit regretter et regrette le duc de Richelieu.

« Nous attendons incessamment Michel Woronzow ; il passera six mois en Angleterre. J’ai laissé Mme de Nesselrode à Paris. Elle y reste jusqu’à l’été prochain ; je l’ai beaucoup vue pendant toute cette époque ; c’est une femme d’esprit et dont la société me convient beaucoup. Il y a des Russes prodigieusement à Paris, ils ne vont pas dans le monde, de sorte que je n’ai vu que les anciennes connaissances inévitables ; de ce nombre, la princesse Souvaroff qui s’est donné des dents superbes : je ne vous parle pas du reste.

« Je reviens hier de Brighton, où j’ai passé quelques jours chez le prince-régent ; il est plus que jamais honnête et amical pour nous. Toute la Russie m’a parlé de votre femme, cher Alexandre ; on la trouve charmante, spirituelle, sensée, tout ce qu’il faut pour vous rendre complètement heureux. Je jouis de cet éloge parce qu’il me répond de votre bonheur. »

On remarquera que, dans ces lettres, elle ne souffle pas mot de Metternich, dont elle a cependant le cœur plein et avec qui elle commence à échanger des lettres passionnées. Il a été à lui