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Bourgogne sont si justes et si détaillées, écrivait Vendôme au Roi, que je ne ferois qu’ennuyer Vostre Majesté par de nouvelles répétitions… Je me contenteray de dire que cette armée marche au secours de Lille avec une bonne volonté qui fait plaisir. » Et Chamillart, rendu à l’espoir, écrivait de son côté à Vendôme : « Voilà bien débuter ; il faut espérer que la fin sera encore plus heureuse que le commencement[1]. » Malheureusement l’entrée en scène de Berwick allait de nouveau gâter les choses. Un mot sur le caractère et les antécédens du personnage fera mieux comprendre le rôle assez fâcheux que nous lui verrons jouer.


IV

Berwick était, comme chacun sait, fils naturel de Jacques II et d’Arabella Churchill. Né en 1670, il avait été élevé en France depuis l’âge de sept ans, et il avait commencé de servir à quinze dans les armées impériales. Rappelé en Angleterre, il avait, en 1688, témoigné une inviolable fidélité à son père naturel, au moment où celui-ci était détrôné par son gendre et sa fille légitime. Il avait combattu pour lui en Irlande, et c’était avec son consentement qu’il avait ensuite demandé à servir dans les armées françaises. Volontaire au siège de Mons, il prit part, sous Luxembourg, à la bataille de Steinkerke et à celle de Nerwinde, où il se fit honneur. Naturalisé Français en 1703, nommé d’abord lieutenant général, puis maréchal de France, il avait servi utilement en Espagne pendant plusieurs années, et, par la brillante victoire d’Almanza, rétabli les affaires de Philippe V. Ses talens militaires ne pouvaient être mis en doute. Bellerive[2] l’insulte gratuitement lorsqu’il dit : « Tous les bons patriotes attachés par leur inclination et leurs sentimens à la gloire de l’Etat tremblèrent de frayeur, voyant que l’on confioit la personne du Duc de Bourgogne à un Anglois, créature de la dame favorite, et qui, dans le cœur, haïssoit les François, d’ailleurs neveu de Marlborough : c’est tout dire. Ce seul endroit devoit l’exclure de cette

  1. Dépôt de la Guerre, 2 082. Vendôme au Roi ; Chamillart à Vendôme, 29 août 1708.
  2. Nous rappelons que Bellerive, qui fut attaché plus tard à la personne du duc de Vendôme et qui a publié des Mémoires sur les dernières campagnes de son chef en Espagne, a laissé de plus un récit inédit de la campagne de 1708 qui est en original à la Bibliothèque Nationale, et dont M. De Boislisle a publié d’importans fragmens.