Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/510

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour éviter de servir directement sous les ordres de Vendôme, il demandait à être placé auprès du Duc de Bourgogne, sans commandement, comme l’avait été autrefois d’Artagnan, comme Tétait en ce moment Puységur. Dans une lettre autographe à Chamillart, il le suppliait de s’employer auprès du Roi à obtenir pour lui cette situation, « pour éviter, disait-il, une mortification qui me mettra le poignard dans le sein, et me mettra, malgré toute ma bonne volonté et mon zèle, hors d’état ny de penser ny d’agir. Il ne s’agit en cela que de me dispenser d’une chose que je feray, si le Roy me l’ordonne, mais qui m’outrera de douleur à jamais. » Le Roi ne refusa point à Berwick ce qu’il demandait, mais tenant bon dans sa volonté de soumettre les maréchaux de France à Vendôme, en sa qualité de prince légitimé, il exigeait que le jour même où il remettrait le commandement de son armée aux mains du Due de Bourgogne, Berwick prît l’ordre de Vendôme ; après quoi il en demeurerait dispensé, et ne ferait aucun service que celui dont le Duc de Bourgogne le chargerait.

La décision du Roi ne soutirant pas de réplique, Chamillart ne pouvait faire autre chose qu’interposer ses bons offices pour obtenir que Vendôme ménageât l’orgueil de Berwick et pour que Berwick acceptât de bonne grâce la supériorité de Vendôme. Au premier il écrivait : « Quoyque le Roy lui (à Berwick) ait déclaré qu’il recevroit l’ordre de vous et qu’il ait répondu avec soumission, je crois le connoître assez pour vous dire d’avance que le sacrifice qu’il fera sera forcé. Vous pouvez, sans le fixer et lui faire faire le personnage de volontaire, exiger de lui de prendre une seule fois l’ordre de vous, et luy faire d’avance quelques honnêtetés qui raniment son zèle et son courage. » Et au second, il écrivait : « Faites le sacrifice de bonne grâce et sans le regarder comme tel, car le Roi n’a point eu l’intention de vous mortifier. » Mais Berwick, tout en se soumettant, ressentait vivement l’humiliation qui, à son sens du moins, lui était imposé. Après tout, il était, lui aussi, bâtard d’un roi, et maréchal de France par-dessus le marché. Pourquoi le forçait-on à s’incliner devant un autre bâtard qui n’était que lieutenant général ? Aussi répondait-il à Chamillart : « Je prendrai un jour le mot de M. le Duc de Vendosme, après quoy je vous promets de tâcher à me vaincre, s’il est possible, et me produire à mon ordinaire ; mais vous sçavez qu’il y a des gens bien plus