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jusque-là placés au premier rang, situation dont on conçoit que l’amour-propre britannique pût souffrir à un haut degré. Les nouvelles, d’autre part, qui leur parvenaient des difficultés de tout ordre rencontrées par leurs troupes dans le Sud-Africain, les portaient à exagérer encore cette réserve qui, comme nous l’avons dit, caractérise, en général, les rapports de l’Anglais vis-à-vis de l’étranger.

Enfin, ces sentimens de réserve réciproque, en ce qui concerne les rapports entre les soldats anglais et ceux de quelques-uns des autres contingens, pouvaient encore prendre leur source, mais seulement pour une faible part, dans la dissemblance de caractère, de mœurs, de tempérament, de mode de vivre et de combattre, et aussi de langage, qui différencient tant entre elles les nations dont étaient tirés ces contingens. Or, cette même dissemblance de tempérament, de mœurs et de langage existe, à un degré aussi marqué, entre Français, Allemands, Russes et surtout Japonais, ce qui n’empêchait point, dans les rencontres qui mettaient accidentellement en contact direct des isolés ou des petits groupes de ces puissances, les soldats de manifester souvent de la gaîté, de la belle humeur, et de l’affabilité à différens degrés, selon le tempérament national : dans ces cas, le langage était remplacé par une mimique expressive, au moyen de laquelle, une grande bonne volonté aidant de part et d’autre, on arrivait assez vite sinon à se comprendre, tout au moins à s’entendre, et, en tout cas, à fraterniser.

La véritable explication de cette attitude, en ce qui concernait les relations entre les soldats français et les soldats anglais, devait être cherchée ailleurs, — il serait puéril de le nier, car elle n’était un mystère pour personne et on peut, aujourd’hui, en faire la remarque sans désobliger en rien des frères d’armes dont la conduite fut empreinte de la plus grande correction. — On la trouvait dans l’écho de ces conversations de bivouac où le soldat dévoile le fond de ses pensées avec une plus grande liberté : certains incidens retentissans qui étaient survenus dans la vallée du haut Nil étaient de date encore récente et l’impression profonde qu’ils avaient produite dans l’esprit de nos populations se reflétait ‘dans les sentimens dont la troupe était animée.

Hâtons-nous d’ajouter, en ce qui concerne ces mêmes relations, que l’épreuve du feu et des fatigues de la campagne,