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glorifier. Le commun labeur de Léon XIII et du cardinal Lavigerie ne put entamer l’Islam assez profondément pour que l’humanité enregistrât tout ce qu’elle souhaitait de victoires. Mais, quoi qu’on pense des premiers résultats et quoi qu’on augure de leur lendemain, l’histoire dira que c’est l’Algérie française qui fit vibrer en ondes sonores à travers le désert, et par le désert à travers le continent noir, les paroles d’affranchissement prononcées sur les bords du Tibre ; et, lorsque Lavigerie prêchait au nom de Léon XIII, le souffle de foi qui poussa les croisés et le souffle de liberté conquérante qui poussa les premières armées révolutionnaires semblaient animer ses lèvres et ne faire qu’un seul et même souffle.

Politiquement parlant, Léon XIII a fortifié et élargi l’assiette de la France en Afrique : la France avait besoin de Rome pour que la Tunisie fût vraiment française. L’épiscopat de Lavigerie s’était déroulé comme une improvisation superbe : on se demandait quel en serait le prolongement, et si la troisième Rome, qui affectait à l’endroit de Cartilage les visées de la Rome antique, ne chercherait pas à s’assurer des auxiliaires dans la hiérarchie ecclésiastique. La congrégation de la Propagande, dont le cardinal Ledochowski était alors le préfet, s’y fût peut-être volontiers prêtée ; mais Léon XIII évoqua l’affaire de Carthage à la secrétairerie d’État, et un traité spécial avec la France garantit aux âmes de la Régence la juridiction d’une crosse française et la sollicitude d’un clergé français.

Des actes analogues, qui remettaient en honneur la vocation de notre peuple en même temps qu’ils asseyaient nos prérogatives, furent multipliés par Léon XIII en faveur de notre protectorat dans le Levant. Le Quirinal en 1888, l’empire d’Allemagne en 1898, offrirent aventureusement au Vatican l’occasion de rappeler et de ratifier notre privilège de puissance protectrice des missionnaires : sans retard, cette occasion fut saisie ; Léon XIII poursuivait son œuvre d’unificateur en récompensant la République française des services rendus au nom chrétien par la France de saint Louis. Il trouva même, en 1894, un ingénieux moyen d’affirmer ces solidarités historiques et d’en donner une de ces traductions voyantes, somptueuses, qui frappent pour de longues années le cerveau de l’Oriental : c’est un Français, le cardinal Langénieux, qui fut choisi comme légat du Pape à la réunion eucharistique de Jérusalem. Pour la première fois depuis