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pourvoir lui-même à ces besoins sociaux auxquels la Compagnie du Saint-Sacrement visait à remédier.

A l’exemple de ses prédécesseurs, et plus qu’eux, Louis XIII poursuivait le duel, les blasphémateurs, le jeu, le luxe[1], et s’occupait de ce soulagement des pauvres qui, depuis François Ier surtout[2], était devenu « l’affaire du gouvernement[3]. » De 1611 à 1629, il essayait de fonder des « dépôts de mendicité, » puis des « maisons de travail, » des « ateliers » publics. Dès 1612, il protégeait Théophraste Renaudot et lui accordait un brevet et un privilège exclusif pour « mettre en pratique » toutes ses « inventions charitables. » En 1619, le créateur du Bureau d’adresses, décoré du titre de « Commissaire général des Pauvres du Royaume[4], » devenait une manière de Directeur de l’Assistance publique. Quant aux hôpitaux, il y avait longtemps déjà que le gouvernement y avait la haute main ; que « la surveillance en était attribuée aux baillis, sénéchaux et autres juges royaux ; » que des Commissaires royaux en dressaient les règlemens ; il n’était pas jusqu’au service spirituel qui n’en eût été mis dans les attributions du Grand-Aumônier de France.

Et puis l’Etat, c’était aussi ces Parlemens, dont les fonctions mal définies s’étendaient si loin et les ambitions plus loin encore ; — c’étaient ces municipalités, dont la royauté n’avait pas encore pris défiance, et dont même les derniers Valois avaient parfois accru les pouvoirs[5]. Or, sur tous ces pouvoirs, il est incontestable que la Compagnie du Saint-Sacrement empiétait à chaque pas.

Quand elle faisait confesser les prisonniers du Petit-Châtelet, elle entrait et agissait dans un établissement, dont les magistrats étaient les maîtres, sans leur permission. Dès 1631, « cela ne fut pas approuvé des magistrats[6]. » Eût-elle pu continuer de le faire, sans se dissimuler ? — Quand elle travaillait au règlement amiable des procès, elle nuisait aux officiers de justice ; elle

  1. Ordonnances ou Edits de 1617, 1626, 1629, 1631. Voyez Dareste et Georges Picot, ouvrages cités ; Parturier, Histoire de l’Assistance publique ; Gaillet, l’Administration en France sous le ministère de Richelieu.
  2. Dareste, t. Ier, p. 237 et suiv.
  3. Vers 1545 fut établie une « taxe des pauvres. »
  4. Gilles de la Tourette, Théophraste Renaudot.
  5. Encore en 1629, c’est aux bourgeois des villes qu’une ordonnance royale remet l’administration des hôpitaux.
  6. D’Argenson, p. 27.