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visible empressement à tout faire pour le disposer à revenir. Son arrestation, en laquelle on était contraint de voir le prélude de sa mort, y apporta la terreur en rouvrant les plaies anciennes et en rappelant le trépas tragique, mais du moins glorieux, qui, trente ans plus tôt, avait ravi un fils unique à la veuve de René Hérault et à sa bru un époux.

Pour comble d’infortune, partout où l’on pleurait sur le sort de Hérault de Séchelles, on était impuissant à le secourir. Son ami Danton, qui n’aurait pas refusé de s’entremettre pour le sauver, avait perdu tout pouvoir et toute influence. A quelques jours de là, il allait être arrêté, lui aussi, avec la plupart des hommes de son parti. Il ne pouvait rien pour Hérault. Quiconque eût été assez audacieux pour paraître s’intéresser à celui-ci se serait irréparablement compromis. Le silence des documens ne permet pas d’affirmer qu’il eut au moins, dans sa prison, la consolation de recevoir quelques témoignages des sentimens qu’excitait son malheur. Les dames de Bellegarde purent-elles arriver jusqu’à lui ? Lui accorda-t-on la faculté de leur écrire ou de lire leurs lettres ? Eut-il la visite de sa mère ? Put-elle lui faire ses adieux ? Autant de questions auxquelles il est impossible de répondre et qui laissent aux hypothèses le champ le plus étendu.

Cependant, on arrivait à la fin de mars. Hérault de Séchelles était en prévention depuis quinze jours et la date de sa comparution devant le tribunal révolutionnaire n’avait pas encore été fixée. Mais ce retard n’allait servir qu’à faciliter à ses ennemis l’exécution de leurs desseins. Ayant reconnu l’impossibilité de fournir des preuves des faits particuliers qui lui étaient imputés, Robespierre et Saint-Just avaient résolu de le confondre dans l’accusation générale que, depuis plusieurs semaines, ils préparaient secrètement contre Danton, Lacroix, Camille Desmoulins, et d’autres. On les arrêta dans la nuit du 30 au 31. Le matin venu, on les envoya rejoindre au Luxembourg Hérault de Séchelles. Un trait mérite d’être cité, qui témoigne de cette indifférence sincère ou jouée que nous avons constatée et qu’affectait Hérault à l’approche de la mort. Il jouait à la galoche avec d’autres prisonniers quand Lacroix parut. Il quitta sa partie et courut l’embrasser. Il accueillit de même les autres accusés, déployant un calme qui contrastait avec leurs plaintes, leurs récriminations et leurs ricanemens.

Le 2 avril, il comparut avec eux devant le tribunal. Bien que