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prompte après l’insuffisant essor. Aujourd’hui, le monde irait encore plus volontiers à l’esclavage romain qu’à une doctrine abstraite, casuistique, dogmatique, infectée de superstitions malsaines, telles que la Réforme nous l’a transmise dans ses diverses sectes. « Ce n’est pas là une force vivante ! »

Bien plus, dans son dernier manifeste[1], M. Chamberlain va jusqu’à écrire qu’il serait insensé de vouloir détruire l’édifice religieux du catholicisme, à la fois si large et si plastique, malgré l’entrave de ses dogmes. En dépit des apparences, la Confession romaine se montre bien moins étroitement bornée, plus élastique et plus capable de s’adapter aux transformations historiques que la luthérienne. Le catholicisme, qui, moralement parlant, représente un moins haut idéal que le protestantisme, est en revanche bien moins judaïsé, plus près de la Nature, et par là de la Vérité vivante : il n’exclut pas totalement l’intelligence du mythe, cet indispensable aliment du sentiment religieux. Enfin il ne pense ni ne cherche moins librement dans les sciences que les confessions réformées. « Je crois que nous autres protestans devons entretenir estime et amour pour la catholicité dans nos cœurs, » conclut M. Chamberlain, pénétré de la conviction que le protestantisme ne pourrait, par ses propres forces, mener à bien la rénovation religieuse qu’il médite. « Le protestantisme a quelque chose de spécifiquement masculin : nous l’en aimons et l’apprécions davantage ; mais le féminin seul engendre, et le catholicisme est féminin, nul ne le niera ! » Voilà un argument bien fantaisiste, mais cette conclusion est significative : si le catholicisme n’existait pas « le monde serait plus pauvre en espoir d’avenir ! »

Il semble que les adeptes d’une foi si doucement traitée par intervalles dans les Assises du XIXe siècle aient le sentiment des liens cachés qui les unissent à l’auteur de ce livre, car la riposte la plus modérée et la plus sympathique qu’ait suscitée l’ouvrage est sortie de la plume du distingué professeur Ehrhardt, l’apôtre du catholicisme réformiste. De plus, la préface des Paroles du Christ insinue que ce dernier travail fut entrepris sous l’inspiration d’un catholique, à qui le grand ouvrage de M. Chamberlain avait révélé tout le charme mystérieux qui se dégage de la personne et de la familiarité intime

  1. Préface de la 4e édition des Assises. Munich, 1903.