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qui suivaient. On s’apprêtait à reprendre l’attaque, lorsque Luxembourg, averti, survint au galop de son cheval. Rappelant aux généraux qu’il s’agissait seulement « d’une fausse attaque, qui n’eût pas dû devenir si sérieuse, » il donna l’ordre, d’un ton sec, qu’on repassât le défilé et qu’on se bornât à soutenir les jardins et les haies du village de Rumsdorp. « Nous n’y fûmes pas longtemps sans y être accablés de canon, écrit Nicolas de Pomponne[1] ; mais les ennemis, y voyant un gros corps de troupes, n’osèrent entreprendre de nous attaquer ; et nous demeurâmes ainsi, fort près les uns des autres, sans rien dire, l’espace de plus de deux heures, exposés à trois batteries qui nous incommodaient au dernier point. » La fermeté de ces braves gens fut telle, que Guillaume, étonné du peu d’effet de son canon, courut à ses batteries pour en savoir la cause : « Il vit que tous les boulets portaient et que les troupes du Roi essuyaient tous ces coups avec une intrépidité admirable, et ne faisaient que reformer leurs rangs. « Ah ! l’insolente nation ! » cria-t-il en s’en retournant[2].

L’ordre rétabli sur sa droite, le maréchal était promptement revenu vers le point dont, à ses yeux, dépendait la victoire. Nerwinde, hérissé de talus, de haies, de barricades, était toujours au pouvoir de l’ennemi. C’est Nerwinde qu’il voulait avoir. Il détacha du centre douze bataillons d’infanterie, les joignit aux brigades repoussées tout à l’heure. Il chargea le Duc de Bourbon de la nouvelle attaque ; petit-fils de Condé, son impétueux courage le désignait pour cette besogne. Le succès fut d’abord le même qu’à la précédente tentative. Laer fut enlevé d’assaut par quelques régimens, pendant que le Duc de Bourbon forçait les défenses de Nerwinde. Dans son élan, il pénétra jusqu’au centre même du village ; mais, plus on avançait, plus s’accumulaient les barrières. Nos troupes pourtant gagnaient constamment du terrain ; elles parvinrent aux dernières haies. L’ennemi s’y cramponnait avec une vigueur opiniâtre, et l’on multipliait les charges sans l’en pouvoir déloger. Guillaume, en cet instant, sentant qu’il y allait du résultat de la partie, joua résolument son va-tout. Un gros corps d’infanterie gardait le centre de sa ligne ; il se retira de ce poste, le jeta dans Nerwinde. Le grand danger

  1. Relation manuscrite, loc. cit. — Lettre de M. de la Taste, du 31 juillet. — Archives de la Guerre, t. 1 206.
  2. Mémoires de Saint-Hilaire, t. II .