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de l’armée et de la marine. Un parti plus sage, qui s’intitule « parti libéral, » conscient des périls où court le Japon s’il se lance dans des aventures de guerre, prêche une politique d’économie, d’organisation intérieure et de paix ; et il s’enhardit jusqu’à prétendre qu’entre les deux pays, les causes de guerre ne sont peut-être pas aussi irréductibles qu’elles le paraissent ; que l’animosité du Japonais contre le Moscovite pourrait bien être, plus encore qu’un legs du passé national, une conséquence de l’éducation que le Japon a reçue quand il est entré dans le courant de la vie européenne et qui lui fait voir le monde à travers les préjugés anglais. Même victorieux, l’empire nippon ne saurait entamer la masse de l’empire russe ; quelques esprits clairvoyans en concluent qu’il serait plus politique de s’entendre avec la Russie, État à demi asiatique, pour partager avec elle la domination de l’Extrême-Orient, et en exclure tous les concurrens étrangers.


II

Puissance essentiellement continentale, la Russie avait besoin d’un débouché sur une mer que ni les hommes, ni les glaces ne pussent obstruer, mais elle n’aspire pas à la domination du Pacifique. Prédisposé par sa nature et par son sang à demi oriental à régner sur les plaines indéfinies de l’Asie centrale, le Russe ne cherche pas fortune sur les océans, mais, immuablement fidèle à la politique que lui imposent les conditions mêmes de la vie de son empire, il continue sa marche vers le Pacifique comme vers le terme naturel de son expansion. Comment, à la faveur de la guerre sino-japonaise, les Russes se sont établis en Mandchourie et à Port-Arthur, comment ils y ont trouvé enfin ce port libre sur une mer ouverte que, depuis Pierre le Grand, ils cherchaient en vain dans toutes les directions, c’est ce que nous n’avons pas à rappeler ici, ayant déjà eu l’occasion de l’y exposer. Aujourd’hui, le chemin de fer transsibérien, avec son double terminus à Vladivostok et à Port-Arthur, est achevé, Saint-Pétersbourg est à quinze jours du Pacifique.

A mesure que la Russie entrait en contact avec un monde nouveau et des intérêts plus compliqués, ses forces et son activité se trouvèrent attirées vers l’Extrême-Orient. Ces positions si laborieusement acquises sur le Pacifique, il fallait encore les