Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/917

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intervint entre la première et la seconde lecture et le bill disparut. Le ministère tory, arrivé au pouvoir en 1895, paraissait peu pressé de le faire revivre. Néanmoins, comme tout le monde, — ou à peu près, — était maintenant d’accord, il fallut se résigner à doter Londres de son Université. Le dernier converti, — le détail ne manque pas d’humour ! — fut le ministre de l’éducation. Le duc de Devonshire, avec le titre de Président du Conseil (il s’agit du Conseil privé, non du Conseil des ministres) exerçait ces très hautes et très inutiles fonctions. Quand le bureau de la Convocation lui vint soumettre une pétition tendant à l’établissement de l’Université enseignante sur les bases indiquées par la commission Gresham, il chicana les pétitionnaires sur la validité de leur démarche et sur le nombre des diplômés qui marchaient avec eux. Pour que Londres reçût son Université, il fallait obtenir la permission écrite de ces gradués de province, apathiques ou hostiles, qui s’étaient abstenus de voter. On l’obtint, et le ministre, n’ayant plus un seul bâton à jeter dans les roues, s’inclina et rentra dans sa somnolence légendaire. Une commission statutaire fut nommée en 1898. Elle fit son œuvre et, le 29 juin 1900, comme si le XIXe siècle eût voulu réparer, avant de rendre le dernier soupir, une injustice et une faute, fut promulgué l’acte qui donnait une existence légale à l’Université nouvelle.


III

Trois ans après, presque jour pour jour, le 24 juin dernier, j’assistais à la séance solennelle pour la clôture de l’année universitaire 1902-1903. C’était dans l’immense rotonde de l’Albert Hall, si propice au majestueux déploiement des grandes cérémonies. J’ai peu de goût, en général, pour les défilés et les processions de robes et d’uniformes. Mais, lorsque, du haut de la tribune de l’orgue, je vis entrer dans la salle, déjà pleine de brillantes toilettes et inondée de lumière, et s’avancer lentement la bigarrure mouvante des Facultés avec leurs couleurs et leurs insignes, à commencer par les obscurs bacheliers de la veille et à finir par le chancelier, lord Rosebery, qui est, à l’heure présente, un des représentans les plus éminens de sa race, je compris que je n’avais pas seulement devant mes yeux une vaine et splendide figuration. L’Université était là présente, cette Université dont l’enfantement avait été si laborieux. Les élémens qui s’étaient si