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commerce extérieur de la Russie à la tutelle des marines étrangères.

Cette indifférence prit fin vers 1896. A partir de ce moment commence à se manifester un esprit tout différent, une ferme résolution de développer et de perfectionner la marine de commerce, un sage esprit de réformes. Ceux qui avaient conçu ce dessein comprirent qu’ils devaient, avant tout, créer un organe central, capable d’entreprendre et de mener à bien l’exécution méthodique de leur programme. La marine marchande dépendait alors du ministère des Finances, que dirigeait, à cette époque, le tout puissant M. Witte. Loin de nous la pensée de déprécier l’œuvre de l’homme qu’on a appelé si souvent le « Colbert de la Russie, » et qui, à certains égards, mérite ce titre. Tandis qu’on nous montrait le personnage qui a donné à l’industrie de son pays cette extension un peu hâtive, mais, somme toute, remarquable, doté la Russie d’Europe et d’Asie de son réseau ferré actuel, et prêté à la politique d’expansion asiatique le concours que l’on sait, un mot des Goncourt nous revenait à la mémoire : « Il y a de gros et lourds hommes d’Etat, des gens à souliers carrés, à manières rustaudes, grosse race qu’on pourrait appeler : les percherons de la politique. » Celui qu’on a sacrifié, il y a tantôt un an, a fait parcourir un rude chemin à la charrette, à laquelle il est resté attelé pendant quinze ans. Mais, probablement à cause du nombre et du poids des affaires dont il avait assumé la charge, M. Witte n’a pas toujours donné à la marine marchande toute l’attention qu’elle méritait.

En 1898, fut cependant créée, au ministère des Finances, une Section spécialement affectée à la marine marchande. C’était un premier pas vers la constitution d’un rouage administratif distinct, et propre à cette grande industrie. Deux ans plus tard, en 1900, fut institué, auprès du même ministère, un Conseil chargé d’élaborer une loi sur la marine marchande et les ports de commerce. Aux travaux de ce Conseil furent appelés à collaborer des fonctionnaires, délégués par les ministères des Finances, des Voies de communication, de l’Intérieur, de la Marine, de la Guerre, de la Justice et du Contrôle de l’Empire. La présidence en fut confiée à S. A. I. le grand-duc Alexandre Mikhailovitch. Nous avons réservé pour ce moment l’exposé du rôle considérable que ce prince a joué dans le mouvement de rénovation de la marine marchande russe. Fils du grand-duc Michel Nicolaievitch, qui est le grand-oncle de l’Empereur et le dernier