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d’avoir recours à la bouse de yack. Les vents sont fréquens et soufflent en tourmentes formidables ; l’air est d’une rareté et d’une sécheresse extrêmes ; les pluies sont insignifiantes. Grâce à la rareté des précipitations atmosphériques, les eaux ne peuvent acquérir sur la surface de la plus grande partie du pays assez de puissance pour triompher des obstacles et se façonner un chemin vers la mer. Les trois quarts du plateau thibétain sont ainsi formés de bassins sans écoulement, et l’on a pu, en prenant pour point de départ cette répartition des eaux, diviser le pays en deux régions : la région des lacs, la région des rivières.

Dans la région des lacs, parmi les torrens dont l’eau n’atteint pas le réservoir commun, les uns descendent des montagnes, d’autres sortent des lacs et vont se perdre dans des marais, des sables et des steppes, des terres vagues, ou bien finissent par disparaître dans un lac qui les absorbe complètement. Dans la région des rivières prennent source le Brahmapoutre et la Salouen qui se jettent dans le golfe de Bengale, l’Indus qui se jette dans le golfe d’Oman, le Mékong et le Yang-tsé-kiang qui s’échappent vers la mer de Chine. Tous ces fleuves n’ont dans le pays que le haut de leurs cours et arrosent des gorges tellement étroites qu’il n’y a souvent que la place indispensable à leur glissement et nulle terre à rafraîchir et à féconder. Partout la vie végétale est des plus pauvres. Dans les régions qui dépassent 4 000 mètres, elle ne consiste guère qu’en graminées d’un demi-pied de haut fines et dures, si sèches qu’elles se brisent sous les pieds et se réduisent en poussière. Dans les parties moins hautes, mieux abritées, on rencontre quelques peupliers, quelques saules et des arbres à fruits. C’est seulement dans les lits desséchés des ruisseaux intermittens, dans les marécages qu’une végétation plus abondante se rencontre, analogue à celle des prairies. Presque partout le bois manque à tel point que, pour se chauffer, on emploie l’argol ou crottin de yack. Seules, les vallées du sud-est, plus basses et plus ouvertes à l’humidité de l’océan, sont couvertes de forêts où domine le houx épineux. Le pays n’a pas d’agriculture, ne possède que des troupeaux, n’a qu’une industrie florissante, celle de la filature des laines et du tissage des draps, et l’on comprend que, dans ces conditions, il n’ait pu avoir de faciles et de fréquentes communications avec l’étranger.


ROUIRE.