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— Si, Valentine, les voilà.

Tous deux s’entendaient pour parler de leurs enfans. Il lui montra au bas de la rampe, sur le chemin montant, un groupe nombreux. En tête marchaient deux bébés que leur grand’mère reconnut :

— Pierre et Adrienne. Ils prennent le raccourci. Je ne vois pas le petit Julien.

— Il doit tenir la main de sa tante Marguerite. Il ne la quitte pas.

— En effet. Je l’aperçois entre Marguerite et son fiancé. Il les sépare, le méchant garçon. Et sa mère, où est-elle ?

— Elle vient derrière eux, tranquillement, selon son habitude, avec son frère Hubert.

— Notre fils aîné. Distingues-tu sa décoration ? M. Roquevillard sourit en regardant sa compagne.

— Comment veux-tu, à cette distance ?

Elle prit le parti de rire à son tour, gracieusement.

— Il y a un grand ruban rouge sur la montagne.

— Et tu lis dans le ciel : Hubert Roquevillard, vingt-huit ans, lieutenant d’infanterie de marine, décoré pour faits de guerre, proposé pour le grade supérieur, campagne de Chine, défense du Pétang.

— Mais oui, approuva-t-elle, je le lis très distinctement. Elle interrogea de nouveau le chemin :

— Et Maurice ? Je ne vois pas Maurice.

— 11 est on arrière, je crois, avec une autre personne.

Mme Roquevillard, satisfaite, posa une main sur l’épaule de son mari :

— Ce sera notre gendre, Charles [Marcellaz. Notre compte y est. Je les compte toujours, comme lorsqu’ils étaient petits : Germaine, Hubert, Maurice, Marguerite.

— Et Félicie manque toujours à l’appel ! répondit-il.

Une ombre obscurcit ses traits : il ne s’accoutumait point à l’absence de sa seconde fille, qui, petite Sœur des pauvres, avait traversé les mers pour s’en aller à l’hôpital d’Hanoï.

Elle s’appuya plus fort sur lui :

— Mais non, François, elle n’est pas loin de nous. Sa pensée est avec nous : je le sais, je le sens. Hubert, qui l’a vue à son retour de Chine, l’a trouvée heureuse. Et puis, un jour nous serons tous réunis.