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préfère la manie du XVIe siècle à la légèreté impertinente avec laquelle au X1Xe on pille, on copie, on refait les livres anciens, sans jamais indiquer où l’on a puisé. Pourquoi, lorsqu’un homme de génie a donné à une idée sa forme définitive, ne pas la reproduire telle qu’il l’a fixée en inscrivant avec reconnaissance son nom au-dessous de la formule heureuse ? Bourdaloue ayant remarqué qu’un de ses préceptes produisait une vive impression sur son auditoire, s’arrête et dit : « Cette pensée n’est pas de moi mais de saint Jérôme. »

Se proposer comme exemples les actes des hommes d’action n’est-ce pas aussi profitable que s’inspirer des maximes des penseurs ? Je n’avais pas attendu d’être obligé de me défendre personnellement pour en être convaincu. Dès mes dix-neuf ans, j’inscrivais comme épigraphe sur la première page de ma thèse de licence cette pensée de Quintilien : « Plus haut parviendront ceux qui font effort pour atteindre les hauteurs que ceux qui, s’abandonnant à une désespérance préconçue, demeurent dans les bas-fonds. » Plus tard Machiavel m’avait appris qu’ « un homme prudent doit passer toujours par les chemins suivis par les grands hommes et imiter ceux qui ont été excellens afin que, si sa vertu n’y atteint pas, au moins il en ait quelque reflet. Il faut faire comme les archers prudens qui, jugeant le but qu’ils doivent viser trop lointain et la portée de leur arc trop limitée, mettent leur point de mire beaucoup plus haut, non pour atteindre à si grande hauteur, mais pouvoir à l’aide de ce but élevé parvenir au but réel. » Mais non : déclarer qu’on ne relève pas de soi seul, s’appuyer dans une entreprise ardue sur des maîtres, ne pas tenir comme non avenu ce qui a été réalisé ou voulu par ses prédécesseurs, ne pas considérer sa raison personnelle comme la règle suprême et la lumière infaillible, c’était de par MM. Peyrat, Delescluze, Duvernois, Cassagnac et les hommes d’État du Charivari, présomption impertinente. L’esprit de secte ne rend pas seulement mauvais, il abêtit.

Ce déchaînement de la première heure, par sa violence même, avait quelque chose d’artificiel. Peu à peu il se calma. Nefftzer, dont le jugement pesait beaucoup, commença dans le Temps à plaider les circonstances atténuantes. « Sans doute, ce que j’avais fait n’était pas bien, mais cependant, il ne fallait pas méconnaître que j’avais eu quelque mérite. » John Lemoinne dans les Débats se prononça encore plus favorablement. Dans la Liberté un jeune