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invraisemblable : « Quatre systèmes divergens nécessaires[1]. » Or comment rallier les intelligences autour d’une pareille conception, et n’est-il pas plus naturel qu’elles s’en autorisent pour se fuir réciproquement, ou pour réciproquement se détruire ? Ou plutôt, et « si c’est une nécessité de l’esprit humain de produire toujours ces quatre systèmes, il faut bien s’y résoudre ; et alors, de ces quatre systèmes, le seul qui ait le sens commun, c’est le scepticisme. »

Il est vrai que « l’éclectisme système[2], consistant dans la constatation de quatre systèmes divergens nécessaires, est une si énorme absurdité, que ni M. Cousin, ni ses élèves n’ont pu s’y tenir. Aussi n’est-ce réellement pas à titre de système, mais plutôt à titre de méthode, que l’on a répété le mot d’éclectisme après M. Cousin… Considéré comme méthode, l’éclectisme ne supporte pas l’examen. Car pour choisir entre plusieurs systèmes, il faut avoir un motif de choisir, c’est-à-dire qu’il faut savoir d’une certaine façon ce que l’on cherche. M. Cousin lui-même a reconnu quelque part cette vérité… Malheureusement pour l’éclectisme de M. Cousin, son système consistant dans la nécessité de l’existence et du développement de plus en plus large de quatre systèmes inconciliables puisqu’ils sont nécessaires, il s’ensuit que M. Cousin est vraiment incompréhensible lorsqu’il parle de conciliation entre les systèmes. » Sa méthode, le seul mot qui la traduise fidèlement est le mot « syncrétisme ; » il n’en est point d’autre, en effet, qui réunisse et conjugue ces deux choses contraires : la prétention de M. Cousin de rassembler en un corps de doctrine les vérités éparses dans les différens systèmes, et son impuissance à réaliser ce vœu ou cette prétention.

  1. Rappelons que ces quatre systèmes étaient, dans la phraséologie de Victor Cousin, l’idéalisme, le sensualisme, le mysticisme et le scepticisme.
  2. Cf. Victor Cousin, Du vrai, du beau et du bien, 1853. Avant-propos, p. III : « On s’obstine à représenter l’éclectisme comme la doctrine à laquelle on daigne attacher notre nom. Nous le déclarons : l’éclectisme nous est bien cher, sans doute, car il est à nos yeux la lumière de l’histoire de la philosophie, mais le foyer de cette lumière est ailleurs. L’éclectisme est une des applications les plus importantes et les plus utiles de la philosophie que nous professons, mais il n’en est pas le principe. Notre vraie doctrine, notre vrai drapeau est le spiritualisme. » — La date (1853) de cette profession de foi est à prendre en considération, si l’on veut donner à la Réfutation de Leroux, parue en 1838 dans l’Encyclopédie nouvelle, toute sa portée.