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Il imagine, en conséquence, une combinazione plutôt bizarre, et dans laquelle entrent en composition certains élémens de la cité antique et trois ou quatre propositions empruntées à la plus moderne de nos « Déclarations des droits, » celle de 1793. Il pose en principe que « l’unité « est un bien, et que « les sectes sont un mal ; » il déclare que « la liberté des cultes dont on a voulu faire un principe absolu, n’a qu’une valeur temporaire ; » mais il maintient « la liberté individuelle de penser et de croire pour l’homme devenu majeur, » réservant aux seuls « mineurs » la sollicitude active de l’État, entendez « l’omnipotence de la société sur l’éducation. » Que si, avec cela, votre besoin d’unité est satisfait, vous n’êtes vraiment pas difficile.

Mais laissons ces enfantillages. Il n’y a pas deux moyens de faire de l’unité. Que vous la considériez dans les consciences ou dans la société, l’unité est invariablement l’œuvre de l’autorité. Il n’y a pas de tradition, il n’y a pas de dogme qui, livrés aux entreprises du « sens individuel, » ne risquent absolument de se perdre ou de se corrompre ; si la tradition et le dogme étaient choses figées, données une fois pour toutes, le droit individuel d’examen les menacerait à peine, dans leur essence : il y aurait difficilement deux manières de les entendre. Mais précisément parce que la tradition et le dogme sont choses vivantes, parce qu’ils se développent ou évoluent, le problème de leur identité se pose, et se pose de telle sorte que nous essaierions vainement de l’éluder. Nous n’avons pas le choix entre une tradition et un dogme qui se maintiendraient tout seuls identiques à eux-mêmes, à travers les mille consciences où ils se répercutent et s’amplifient ; et une tradition et un dogme qui conserveraient leur identité par le moyen d’une autorité qui se porterait garante de cette identité même. De ces deux hypothèses, la première est, on peut le dire, chimérique ; quant à la seconde, elle est autre chose et mieux qu’une hypothèse, s’il est vrai qu’elle condense toute l’expérience de l’humanité, relativement à la question qui nous occupe. Et je veux bien qu’une autorité religieuse n’ait la logique avec elle qu’à la condition de se présenter comme infaillible : mais je n’en veux conclure autre chose sinon que le seul catholicisme nous peut offrir une théorie du développement dogmatique qui se tienne dans toutes ses parties.

Nous eussions aimé insister sur les idées « sociales » de Leroux, et plus particulièrement sur cette pensée que le christianisme,