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l’intelligence chez l’enfant, la solitude des champs et des bois, ou ce bruissement de la ruche laborieuse, le grondement sourd et continu de l’humanité qui s’agite pour gagner son pain ? Il se pose la question à lui-même dans le discours auquel je viens de faire allusion et, tout en reconnaissant que les deux systèmes ont leurs avantages et leurs partisans, il semble incliner vers la solution que réprouve l’hygiène moderne. Dans la grande ville, l’air qui arrive aux poumons de l’enfant est moins pur, sans doute, mais rien n’encourage en lui l’esprit de chimère et la rêverie : bruits et spectacles, tout le rappelle aux réalités vivantes, aux problèmes pressans qu’il sera, demain, appelé à affronter et à résoudre.

Il y avait un contrepoids à cette conception sévère de l’existence que ce petit-fils des puritains avait apportée en naissant. Il avait, comme Milton, la compréhension et le goût de ce que l’antiquité classique a produit de plus élégant et de plus pur. Absolument réfractaire à la géométrie et à l’algèbre qui, pourtant, eussent dû faire la joie d’un logicien, il réussissait admirablement au vers latin, et je ne suis pas lâché de trouver cette occasion de dire au monde qu’il n’en a pas encore fini d’être gouverné par des humanistes. Pendant les heures réservées aux pages d’écriture et à la comptabilité commerciale (ce double enseignement avait sa place dans le programme de la cinquième forme), le docteur Abbott, directeur de l’école, appelait le jeune Asquith dans son cabinet et lui donnait à tourner des vers iambiques. Le même docteur Abbott lui rendait ce témoignage : « Jamais je n’ai eu si peu à faire pour aucun de mes élèves. » Mot significatif : à quatorze ans, Asquith était déjà son propre précepteur et réglait lui-même le développement de son esprit.

A dix-sept ans, il enlevait au concours une bourse d’études au collège de Balliol, une des maisons les plus fameuses de l’Université d’Oxford.


II

Suivons-le à l’Université. Là on ne le trouvera ni parmi les joueurs de cricket, ni parmi les fanatiques de l’aviron. Lorsqu’il voudra prendre quelque délassement, c’est une partie de whist ou d’échecs qui l’attirera. En revanche, il ne perd pas de temps pour se faire inscrire parmi les membres de ce petit parlement