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du régime de la déclaration. Le régime indiciaire fait porter l’impôt sur ce qu’on voit ; le régime de la déclaration le fait porter sur ce qu’on ne voit pas, sur ce qu’on ne sait pas, mais qu’on veut savoir, afin d’établir l’inventaire de toutes les fortunes. Grande satisfaction pour les socialistes ! Réalisation d’un rêve qu’ils poursuivent depuis longtemps ! Sérieuse simplification de leur tâche pour l’avenir ! « C’est, dit M. Reinach, cet inventaire que le projet de M. Caillaux apporte à ces messieurs et que le mien leur refuse ; voilà pourquoi ils acceptent provisoirement le système de M. Caillaux, malgré toutes ses timidités et toutes ses faiblesses, et voilà pourquoi ils rejettent le mien, fût-il d’ailleurs dix fois plus équitable ou dix fois plus productif. M. Jaurès l’a dit dès le premier jour de cette discussion dans un remarquable article de l’Humanité : « Ce qu’il faut, c’est une comptabilité exacte des revenus capitalistes et bourgeois, » autrement dit un cadastre fiscal, destiné à servir de préface à cette grande loi d’expropriation sociale avec ou sans indemnité que M. Jaurès nous a promise. On ne saurait mieux définir le terrible instrument d’inquisition qu’est l’impôt complémentaire. M. Reinach a fait un effort méritoire pour lui en substituer un autre ; moins dangereux. On a tant attaqué les anciens indices sur lesquels reposait la présomption du revenu, qu’il a cru devoir en proposer d’autres, au moins partiellement, et il en a énuméré quatre : 1° la dépense d’habitation ; 2° la dépense du mobilier ; 3° les gages et la nourriture des personnes au service du contribuable ; 4° la dépense des équipages, chevaux, voitures, automobiles, appartenant au contribuable ou loués par lui. Soit : ce sont là des signes qui permettent, en effet, de faire une évaluation approximative du revenu, et on ne peut, en pareille matière, aboutir qu’à une approximation. Celle de M. Reinach est suffisante, sans être parfaite ; mais il n’y a rien de parfait dans le monde fiscal pas plus qu’ailleurs.

Qu’ont répondu le gouvernement et la Commission à M. Reinach ? Peu de chose ; ils n’ont pas éprouvé le besoin de combattre l’amendement à fond, car ils étaient sûrs de la majorité ; ils se sont contentés de dire à la Chambre que, si elle le votait, elle se mettrait en contradiction avec tous ses votes antérieurs, c’est-à-dire avec les principes mêmes du projet de loi, et il faut bien reconnaître que cela était vrai. M. Reinach arrivait un peu tard pour combattre le système de la déclaration et réhabiliter le système indiciaire ; il aurait fallu le faire plus tôt ; à l’heure où l’amendement se produisait, la question était déjà résolue. L’art de M. le ministre des Finances a été d’habituer peu