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communauté sociale, qui en déléguera l’usage aux travailleurs organisés et affranchis. — C’est là une affirmation dont il faudrait faire la preuve. — Les prolétaires, ajoute-t-on avec Marx, ne peuvent parvenir à l’entier développement humain « que par la propriété communiste, » négation de la propriété capitaliste et bourgeoise. — C’est encore ce qu’il faudrait prouver et ce qu’on se dispense de prouver. — La « loi de croissance » du prolétariat moderne est « en contradiction absolue avec le système de propriété sur lequel repose la classe bourgeoise. » Cette contradiction absolue ne serait-elle point une invention de la dialectique marxiste ? Il y a « lutte essentielle, interne, fondamentale des deux classes. » — Nous avons vu, au contraire, que la lutte, ici comme partout, est accidentelle et provisoire. — Il serait puéril d’attendre de la classé en possession « qu’elle se dépouille elle-même de son privilège, qu’elle renonce spontanément à ce qu’elle considère comme son droit ; » elle pourra, ou par philanthropie ou sous la pression des événemens, « consentir telle ou telle réforme, tel ou tel sacrifice, » mais quand il faudra faire le saut, franchir le pas décisif, passer du système capitaliste au système communiste, « elle résistera de toutes ses forces. » — Elle aura bien raison, car ce passage du régime actuel au régime communiste, sans transition, serait un « saut mortel, » d’ailleurs impossible. — C’est donc « de lui-même, » — entendez d’une révolution faite par lui, d’une « catastrophe » ou d’un déluge (qui pourrait être un déluge de sang) que « le prolétariat doit attendre le salut ; » il ne doit être « une annexe, une dépendance d’aucun parti bourgeois ; » il doit « se constituer en parti distinct, en parti de classe, en parti socialiste. » C’est ainsi que les idéalistes eux-mêmes empruntent à Marx la lutte de classes substituée au développement régulier et évolutionniste de la propriété. Cette guerre de classes, assure-t-on (toujours sans preuve), « est le principe, la base, la loi même du parti socialiste ; ceux qui n’admettent pas la lutte de classes peuvent être républicains, démocrates, radicaux ou même radicaux socialistes ; ils ne sont pas socialistes. » Tel est le credo en dehors duquel il n’y a point de salut et qui n’est pourtant encore qu’une affirmation gratuite. — Reconnaître la lutte de classes, c’est dire que « dans la société d’aujourd’hui il y a deux classes, la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat, » qui sont dans de tels rapports que l’entier développement de l’une suppose la