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des équipemens, des vivres, des médicamens ; des obus en déficit, ou mal adaptés aux besoins. Il faut une alerte pour qu’on ouvre les yeux. On s’aperçoit alors que les batteries des côtes, les garnisons des îles exposées à un coup de main, se trouvent incapables de discerner sur mer les amis des ennemis. Leurs méthodes de combat sont d’ailleurs peu certaines ; leur personnel est instable. Souvenons-nous de Fachoda : les batteries du littoral devaient, à la mobilisation, attendre trois jours leur armement, alors que la violation de nos côtes eût précédé, ou du moins accompagné la rupture diplomatique ! Les hommes dans un port arrivaient de Grenoble... L’affolement rue Royale fut intense. Nous voudrions croire que la leçon a porté ses fruits, bien qu’une émotion fort analogue ait, dit-on, secoué le ministère à l’occasion du Maroc.

Faute de matériel auxiliaire, le ravitaillement des escadres dans nos plus grands ports serait très lent : il manque au moins une centaine de chalands charbonniers et porteurs, citernes à eau, à huile, à pétrole, bugalets d’artillerie, etc. Les appontemens sont en trop petit nombre pour faciliter autant qu’ils devraient ces opérations et dégager les rades, encombrées de bateaux au mouillage. Celle de Toulon, aussi bien, n’a plus les fonds nécessaires pour l’évitage, et la circulation d’une force navale importante. Les cuirassés, dont les tirans d’eau vont croissant, y traînent déjà leur qu’ille dans la boue ; à chaque mouillage, des appareils délicats, recevant une eau mêlée de vase, s’encrassent et risquent de s’avarier.

Si la simple activité du temps de paix apparaît ainsi pleine de menaces, qu’attendre du temps de guerre ? Des cuirassés entrent en service avant que les ports possèdent les moyens de les réparer. Comment panserait-on leurs blessures après un combat ? Un seul bassin à Toulon peut recevoir les grandes unités récentes. Que l’Iéna, au lieu d’exploser dans la forme n° 2 de Missiessy, se trouvât dans la forme n° 3, et le port se voyait incapable de caréner aucun des grands navires de l’escadre entre mars 1907 et septembre 1908. Les six Danton, de 18 000 tonnes, vont entrer en armement, alors qu’aucun bassin ne sera en état de les recevoir.

Ces bateaux, on le sait de reste après l’affaire Germinet, ne portent qu’un approvisionnement insuffisant de munitions. Trois heures de tir l’épuiseraient. Et que sont trois heures de combat