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Royale que pour aller de Cherbourg à Toulon, deux mots échangés font l’affaire. Le ministre au milieu de ses collaborateurs reçoit et confronte directement leurs raisons. Chaque avis, net et cohérent comme l’expression d’une pensée individuelle, émane enfin du chef de service responsable qui devra le mettre en pratique. Il semble donc utile d’accorder plus d’importance encore à cet organe en voie de constitution. Peut-être, par là même, aura-t-on déjà tari plus d’une source de gaspillage. Peut-être aussi la concentration des influences directrices dans une sorte de cerveau administratif y fera-t-elle apparaître aisément l’image des besoins généraux de l’institution et le dessein d’une réforme efficace.

Nous avons esquissé un bilan de la crise navale. Il risquerait de provoquer des réflexions pessimistes si la double remarque précédente ne laissait entrevoir des causes de relèvement déjà en travail. Il ne faut d’ailleurs pas oublier ce dont nous n’avons pas parlé parce que cela n’est point sujet à crise : les admirables qualités du personnel, depuis le dévouement et l’entrain de nos équipages, mauvaises têtes comprises, jusqu’à la profonde culture de nos ingénieurs, aux goûts et à l’aptitude scientifiques de nos officiers, à l’élévation de leurs sentimens, à cette faculté de vibrer aux grandes pensées qui en fait d’exceptionnels ouvriers pour l’œuvre commune de sacrifice et d’héroïsme, jusqu’au don si précieux enfin de nos chefs, non pas tant sans doute le don de commander que celui d’entraîner et d’animer une armée. Ces vertus-là résistent aux défauts d’une organisation mal agencée. Ne désespérons donc pas de notre avenir naval ; et accueillons, en nous défendant du scepticisme, les efforts, — si mélangés soient-ils d’ambitions moins généreuses, — tentés en sa faveur.


G. BLANCHON.