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Mlle de Scudéry, Mme d’Huxelles, Mme de Maintenon... « Je n’ai pas de plus grand plaisir que de causer avec vous, écrit Mlle Aïssé à Mme Calandrini. J’écris les nouvelles que je sais bien. Je n’aimerais pas à vous mander tout ce qui se dit à Paris. Vous savez, madame, que je hais les faussetés et les exagérations ; ainsi tout ce que j’écrirai sera sûrement vrai. » « Mme de Sévigné raconte tout ce qu’elle sait, dit Gaston Boissier, et, comme elle a de grandes relations et qu’elle fréquente les bons endroits, elle sait à peu près tout ce qui se fait ou se prépare. Il n’y a point d’intrigue intérieure, point d’événement politique ou militaire auquel elle ne touche en passant : en sorte que si nous voulions la suivre dans tous ses récits, c’est l’histoire entière de cette époque que nous serions forcé de raconter. »

C’est un devoir de société que d’insérer des nouvelles dans les lettres qu’on écrit, de « participer » à parens et amis les faits de la Cour et de la ville dont on est informé. Veut-on se soustraire à cette obligation ? — il faut s’en excuser. C’est ce que fait Mme de Maintenon écrivant au maréchal d’Albret : « Je passe les jours à travailler en tapisserie, enfermée dans ma chambre, et ainsi je suis très mal instruite de ce qui se passe. » La marquise d’Huxelles à Gaignières, après avoir abordé diverses questions personnelles : « De nouvelles, vous êtes à la source avec de telles gens que vous me marquez ; ainsi, monsieur, je finis... » Sur les dernières années de l’ancien régime, à une époque où la presse manifestait cependant, avec le Journal de Paris, certaines velléités de transformation, Turgot, le grand Turgot, devait encore demander à ses correspondans d’exonérer ses lettres des nouvelles publiques.

Cette épitre, toujours attendue et si précieuse, il n’était pas permis de la garder par devers soi, pour son égoïste satisfaction. On se la passait de main en main ; on en tirait des copies qui circulaient par la ville ou qui, à la campagne, étaient portées de château en château, et voyageaient même en lointain pays. On s’en « parait, » comme écrit Coulanges. Parens, voisins, amis, étaient invités pour l’entendre lire après le dîner, quand la compagnie se groupait autour de la grande cheminée, où brûlaient les bûches d’orme ou de frêne, où les bourrées crépitaient au mouvement de leurs frêles flammes bleues.

Ainsi s’expliquent la forme donnée à ces correspondances, leur tour, leur allure, les détails qu’elles contiennent et dont