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altitude, population, culture et décadence, elles ne se placent ni parmi les mieux, ni parmi les moins favorisées.

La plus petite des trois municipalités est celle de B..., elle ne compte que 167 habitans (1906), et n’englobe pas trois maisons voisines ou contiguës, habitées toutes trois. Il n’en était pas de même autrefois, car sur un mamelon qui domine l’unique route de la vallée longeant le torrent du J... on distingue quelques masures, restes d’une agglomération fortifiée. Cinq ou six familles y vivaient encore au siècle dernier, et actuellement, quelques solitaires logent dans ces demeurée semi-effondrées. Ce mamelon dominé de ruines symbolise assez bien les Basses-Alpes, d’autant plus que, si on le regarde de près, on le voit, au Midi et au couchant, constitué de « lavines, » sorte de schiste nu, grisâtre en temps de sécheresse, noir sale en temps de pluie, dégradé par les eaux qui rongent sans cesse les pentes. Les lignes d’érosion se dessinent brutalement et, pour faire opposition à ces hachures matérialisées, une série d’assises horizontales presque équidistantes, presque régulières, rappellent les courbes de niveau de la topographie. Mais, vu par le Nord-Est à l’hubac, l’aspect du mamelon se transforme, c’est une jolie prairie naturelle verdoyante dont on ne soupçonnerait guère l’existence du côté opposé.

L’appellation de « Basses-Alpes » évoque l’idée d’un terrain bouleversé, stérile, dépouillé et d’un paysage affreux. Cette thèse, ce procès si l’on veut, pourrait très bien se plaider ici même, à B..., contradictoirement. On aurait beau jeu d’une part pour exhiber à l’adrech, ou versant exposé au soleil, des pentes infécondes, pierreuses, insuffisamment boisées, dominées par des montagnes pelées, pour opposer des torrens presque desséchés, de peu de largeur au mince filet d’eau qui y coule, mais encombrés de pierres roulées par les orages ; montrer les basses terres ravinées, les prairies souillées par la fange ; de l’autre, on ferait voir qu’à l’hubac ou flanc tourné au Nord, l’œil se repose sur de beaux bois, bien frais, souvent très pittoresques, que les arbres prospèrent au fond des jolis vallons ombreux dissimulés de loin parce qu’ils sont très creux, que dans ces petits replis de terrain coulent des sources claires comme le cristal, qui arrosent, une fois captées, de gentilles prairies, et qu’enfin les eaux qui se fraient un passage dans le vaste lit de cailloux du torrent central ne perdent leur transparence qu’on